L'hostilité gauche-droite qui a marqué l'adoption de la réforme de l'assurance maladie complique le débat sur le réchauffement climatique, au moment où le Congrès est appelé à limiter les émissions de gaz à effet de serre aux États-Unis.

La réforme au coeur du programme électoral de Barack Obama a été adoptée dans la nuit de dimanche à lundi après des mois de déchirement par les seuls démocrates, pas un républicain n'ayant rejoint les rangs de la majorité. Et certains observateurs doutent que le président veuille engager le pays dans une nouvelle bataille à l'approche des élections législatives de novembre, traditionnellement défavorables au pouvoir en place.

Parvenir à un texte qui plaise aux deux bords sera «extrêmement compliqué», avertit le politologue Ben Lieberman, de la fondation Heritage, marquée à droite. «Il n'y a plus beaucoup de temps d'ici au moment où les élus se consacreront entièrement à leur réélection».

Malgré tout, 22 sénateurs démocrates ont signé une lettre pour réclamer l'adoption d'une loi sur le climat cette année.

Optimiste, le sénateur John Kerry, qui prépare une proposition de loi en ce sens, veut croire que la Maison-Blanche va accorder «son énergie et son attention» au climat maintenant que la réforme de la couverture maladie a été adoptée.

«Dans la foulée de l'adoption de la réforme de la santé, nous sommes bien placés pour expliquer qu'il s'agit de la prochaine grande percée législative en vue», assure l'ancien candidat démocrate à la présidentielle.

«Une loi sur le climat nous offre le meilleur moyen de créer des emplois, de réduire la pollution et d'arrêter de payer des milliards pour du pétrole à des pays qui cherchent à nous nuire», poursuit-il. «Nous avons un argument gagnant en matière d'emploi, de sécurité et de santé: ça peut marcher».

En juin dernier, la Chambre des représentants a adopté un projet de loi censé réduire les émissions de C02 via la mise en place d'une bourse des droits de polluer, sur le modèle de l'Union européenne. Le Sénat ne s'est pas encore saisi du dossier.

La grande majorité des républicains sont hostiles au projet, accusé de menacer l'économie du pays. Mais M. Kerry se dit confiant de pouvoir rallier des voix à droite. Sa proposition de loi est rédigée en collaboration avec le républicain Lindsey Graham, farouche adversaire de la réforme de l'assurance maladie.

Leur texte est cependant contesté par les mouvements écologistes, qui accusent M. Kerry d'avoir trop cédé aux groupes de pression industriels dans l'espoir de créer un consensus. Sa proposition, négociée avec ces groupes d'influence, prévoit en effet de relancer l'énergie nucléaire et l'extraction de pétrole en mer, tout en réduisant l'impact de la bourse des droits de polluer.

«Adopter un texte encore plus favorable aux industries polluantes serait une énorme erreur», avertit Nick Berning, un responsable de l'association Les Amis de la Terre. Selon lui, le texte adopté à la Chambre ne va déjà pas assez loin avec son objectif de réduire de 17% les émissions de CO2 en 2020 par rapport à 2005, très en-deçà des objectifs de l'UE et du Japon, qui prennent pour base 1990.

Après l'échec de la conférence de Copenhague fin 2009, les États-Unis sont sous la pression de leurs partenaires pour qu'ils offrent des objectifs ambitieux de réduction de leurs émissions polluantes avant la prochaine conférence des Nations unies sur le réchauffement climatique prévue à Cancun (Mexique) du 29 novembre au 10 décembre 2010.