Pour la première fois depuis douze ans, la Commission européenne a donné mardi son feu vert à la culture dans l'UE d'un produit génétiquement modifié, une pomme de terre de BASF, provoquant la colère des défenseurs de l'environnement et de l'Italie.

«Chaque État est libre d'autoriser ou non la culture de cet OGM», a toutefois précisé le commissaire européen chargé de la Santé, le Maltais John Dalli, pour tenter d'atténuer la portée de cette décision controversée dans une Europe où les aliments transgéniques suscitent des craintes pour la santé humaine et l'environnement.

L'Italie et l'Autriche ont immédiatement annoncé leur intention d'interdire la culture de ce tubercule.

La pomme de terre génétiquement modifiée en question, Amflora, est développée par une filiale du groupe allemand de chimie BASF, qui attendait un feu vert depuis plus de treize ans.

Elle est destinée, non à l'alimentation humaine, mais à la production d'amidon pour l'industrie du papier en Suède. Ses «sous-produits pourront être utilisés pour l'alimentation animale», a reconnu M. Dalli.

Or, font valoir les écologistes, ce tubercule contient un gène marqueur de résistance aux antibiotiques, sujet d'inquiétude pour l'Organisation mondiale de la santé et dont l'abandon a été exigé par une loi européenne de 2004.

Bruxelles s'est retranché derrière les avis favorables de l'Agence européenne de sécurité des aliments et a promis tous les contrôles nécessaires sur sa production.

Mais John Dalli n'a pas pu garantir que cette pomme de terre ne se retrouverait jamais dans la chaîne alimentaire.

Face aux critiques, il a renvoyé les gouvernements européens à leurs responsabilités. «Ils auraient pu décider de dire non à cette autorisation et l'affaire se serait arrêtée là. Mais aucune majorité n'a été trouvée» dans un sens ou un autre «et il est revenu à la Commission de décider», a-t-il expliqué.

Jusqu'à ce jour, l'exécutif dirigé par le Portugais José Manuel Barroso n'avait lui-même jamais trouvé d'unanimité en son sein, car le Grec Stavros Dimas, chargé jusqu'au début février de l'Environnement, était contre l'autorisation de culture des OGM.

Mais M. Dimas n'a pas été reconduit dans la nouvelle équipe et son successeur depuis trois semaines, le Slovène Janez Potocnik, ne s'est pas opposé à la décision, prise à l'unanimité des commissaires européens.

Le feu vert a été donné mardi «sans débat», moins d'un mois après leur prise de fonction, ce qu'a dénoncé l'organisation Greenpeace.

«Il n'était pas judicieux d'attendre plus longtemps», s'est défendu M. Dalli, invoquant aussi la nécessité pour l'Europe «d'aller de l'avant» vers les «nouvelles technologies».

Le groupe allemand a immédiatement salué cette décision. «La voie est désormais libre pour une mise en culture commerciale cette année», a déclaré un de ses responsables, Peter Eckes. BASF évalue à entre 30 et 40 millions d'euros par an les revenus dégagés par Amflora.

La culture sera proposée «aux pays prêts à l'utiliser», a précisé BASF citant l'Allemagne, la Suède, les Pays Bas et la République Tchèque. La France n'est pas concernée «dans l'immédiat».

Un seul OGM avait été autorisé à la culture, en 1998 dans l'UE: le maïs MON 810 développé par Monsanto, toujours en attente du renouvellement de cette autorisation.

Or, sept pays --France, Allemagne, Autriche, Grèce, Hongrie, Luxembourg et Pologne-- ont interdit la culture de ce maïs en raison des risques de contamination pour les cultures traditionnelles et biologiques.

La décision de la Commission d'autoriser l'Amflora, est une «gifle» à la face des consommateurs européens, s'est insurgé l'eurodéputé vert Allemand Martin Hässling.