La vie des fruits et légumes en épicerie est assez courte. Les champignons un peu barbus et les carottes mollettes n'ont pas la cote auprès des consommateurs. Les commis les retirent des tablettes et les mettent à la poubelle. Destination: terrain d'enfouissement.

Certains propriétaires de supermarché n'ont toutefois pas attendu l'arrivée d'usines de compostage pour recycler cette quantité impressionnante de matières organiques. Des épiceries et des fermes de la province travaillent actuellement ensemble pour transformer des fruits et légumes destinés à la poubelle en engrais vert qui servira à faire pousser... de nouveaux légumes, qui retourneront dans les supermarchés!

 

«Nos magasins produisent beaucoup de matières organiques et c'est une avenue très intéressante pour nous», explique Anne-Hélène Lavoie, porte-parole du groupe Sobeys. Environ le tiers des déchets d'une épicerie, après recyclage, est de la matière organique. En plus des fruits et légumes, les IGA participants remettent aussi des fleurs coupées, du pain et du carton ciré qui n'est pas recyclable. Des épiceries des deux autres grandes bannières, Metro et Provigo, font de même partout au Québec.

Certains marchands travaillent directement avec des agriculteurs de leur région, d'autres sont associés à la firme AZN2 Environnement, qui jumelle les fermes avec les épiceries et fait la gestion des déchets organiques. Les fruits et légumes qui sont envoyés à la ferme doivent arriver nus, sans filets ou sans les élastiques qui regroupent les échalotes ou asperges, par exemple. C'est plus de boulot pour les employés du marché. «Au départ, c'était un peu comme le recyclage: on croyait que ce serait très compliqué, mais les employés ont vite pris l'habitude», explique Normand Barbeau, directeur du supermarché IGA de Dollard-des-Ormeaux qui participe au projet AZN2 depuis deux mois et qui en est ravi. «Les employés ont l'impression de faire un bon geste», dit-il.

Un projet pilote a déjà permis de détourner 160 tonnes de déchets d'épiceries de l'ouest de l'île de Montréal vers une pépinière de leur région, l'année dernière.

Une dizaine d'épiceries de la province sont maintenant dans le coup. Leurs déchets organiques sont recueillis par deux fermes: une dans la région de Montréal et l'autre dans la région de Québec. «Actuellement, les épiciers paient pour faire enfouir leurs déchets: nous leur disons qu'ils peuvent choisir de payer un agriculteur qui va les valoriser», dit Michel Dufour, président d'AZN2 Environnement. La firme remet une partie de ses coûts de collecte à l'agriculteur qui doit transformer les déchets en engrais. Double avantage pour le producteur: en plus de recevoir cette compensation, il économisera en achat de fertilisant.

«Dans certains cas, ils n'achèteront plus jamais d'engrais chimique», estime Michel Dufour. Une épicerie produit d'une à trois tonnes de matières organiques par semaine, explique-t-il. Les agriculteurs peuvent récupérer jusqu'à 1300 tonnes de résidus par année.

Un programme du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation aide également le producteur à construire les cellules de compost qui accueilleront les déchets.

L'arrivée prochaine d'usines de compostage et de biométhanisation pourrait-elle changer la donne? Michel Dufour considère que les deux façons de recycler les déchets des épiceries sont tout à fait complémentaires. Il faudra toutefois connaître les façons de faire et les tarifs de ces usines pour mieux juger de leurs impacts. D'ici là, plusieurs légumes auront eu le temps de pousser grâce à des déchets.