Les trois partis de l'opposition accusent le ministre de l'Environnement, Jim Prentice, d'improviser une nouvelle politique lorsqu'il évoque l'idée de refiler aux consommateurs américains le coût environnemental relié à l'exploitation des sables bitumeux.

«Tout cela sent l'improvisation. C'est la première fois qu'il parle d'une telle chose. Cela prouve encore une fois que les conservateurs n'ont pas de plan», a laissé tomber le critique libéral en matière d'environnement, David McGuinty, à Copenhague, où se tient la conférence des Nations unies sur les changements climatiques.

»» Consultez le blogue de François Cardinal, envoyé spécial à Copenhague.

Le ministre Prentice a évoqué cette idée au cours d'une entrevue accordée au réseau CTV dimanche. Dans cette entrevue, il a affirmé que si les consommateurs américains achètent le pétrole canadien et le consomment aux États-Unis, ces mêmes consommateurs devraient en assumer les coûts environnementaux.

«C'est pour cette raison que nous travaillons si étroitement avec les États-Unis pour avoir un système harmonisé. Afin d'éviter que les coûts environnementaux soient transférés aux Canadiens parce que ce n'est pas juste», a affirmé le ministre.

M. Prentice faisait ainsi écho aux propos de l'ancien premier ministre libéral Paul Martin, qui a affirmé, dans une entrevue au Toronto Star, que les Américains doivent encaisser une partie des coûts environnementaux reliés à l'exploitation des sables bitumineux.

Le Canada est, et de loin, le principal fournisseur de pétrole des États-Unis. Ce pétrole est produit essentiellement à partir des sables bitumineux de l'Alberta. En 2008, les États-Unis ont importé du Canada 2,5 millions de barils de pétrole par jour, selon l'Energy Information Administration. L'Arabie Saoudite arrivait bonne deuxième avec 1,5 million de barils de pétrole. Mais à partir de 2011, le Canada augmentera sa part du marché américain grâce à l'ouverture de six nouveaux pipelines.

En prenant le pouvoir, le président Barack Obama a promis de réduire la dépendance des États-Unis envers les pays pétroliers aux régimes instables comme l'Irak, le Nigeria ou encore le Venezuela. Mais il a aussi exprimé ses réserves face à la manière dont l'industrie canadienne exploite les sables bitumineux, estimant que cela laisse une trop grande empreinte écologique.

Le chef du NPD, Jack Layton, qui réclame un moratoire sur tout nouveau projet d'exploitation des sables bitumineux tant que l'on n'aura pas trouvé une façon plus responsable de transformer cette matière en pétrole, a affirmé que les propos de M. Prentice démontrent un manque de leadership de la part des conservateurs.

«Il faut que le Canada règle les dégâts causés à l'environnement à cause de l'exploitation des sables bitumineux avant de faire d'autres développements. Il me semble que M. Prentice demande aux Américains de nous aider à payer pour une augmentation de la pollution», a affirmé M. Layton avant de s'envoler vers Copenhague.

Le député bloquiste Bernard Bigras a quant à lui affirmé qu'il faut imposer un prix sur le carbone pour modifier les comportements des consommateurs de façon à réduire les émissions de gaz à effet de serre. «Inévitablement, à un moment donné, il va falloir mettre un prix sur le carbone. Je pense que cela doit faire partie d'une discussion commerciale plus large dans une approche nord-américaine. Mais il ne faut pas que cela devienne un incitatif aux entreprises pour augmenter leur production de barils de pétrole par jour pour polluer plus encore.»

Le député bloquiste a souligné qu'il y a deux projets de loi à l'étude au Congrès qui visent à imposer un tarif sur le carbone pour les produits venant de pays qui ne réduisent pas leurs émissions de gaz à effet de serre. Le Canada risque d'être frappé par ces lois, si elles sont adoptées.

L'an dernier, à Miami, les maires de quelque 1100 municipalités réunis en congrès ont adopté une résolution contre les sables bitumineux parce que leur production «émet trois fois plus de dioxyde de carbone que le pétrole conventionnel», en plus de «causer des dommages considérables à la forêt boréale du Canada». Ces mêmes maires se sont aussi engagés à réduire, voire interdire l'achat d'essence venant des sables bitumineux pour alimenter les véhicules municipaux.