Le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, le fameux GIEC, agit tel un phare pour les décideurs. Il leur montre la voie à suivre, la hauteur des réductions d'émissions nécessaires pour éviter que le climat ne s'emballe.

Le problème, c'est que le dernier rapport du Groupe est déjà dépassé. Et le prochain n'est attendu qu'en 2013...

Voilà pourquoi un groupe de 26 chercheurs a décidé de mettre à jour les plus récentes conclusions du quatrième rapport (2007) du GIEC, auquel ils sont tous rattachés. En un mot, les experts concluent: «Les prévisions passées étaient en deçà de ce que nous observons aujourd'hui.»

«Les données récentes nous montrent que, malheureusement, nous avons sous-estimé l'ampleur du changement climatique dans le passé», précise l'océanographe Stefan Rahmstorf, du Potsdam Institute for Climate Impact Research, en Allemagne.

Intitulé The Copenhagen Diagnosis, le rapport est une synthèse des plus récentes recherches sur le climat, publiées au cours des dernières années dans des revues scientifiques.

Parmi les conclusions, l'une attire davantage notre attention, car elle touche le coeur même des pourparlers qui s'amorcent aujourd'hui, à Copenhague. Les émissions de gaz à effet de serre provenant des combustibles fossiles (pétrole, charbon, gaz naturel) ont augmenté d'environ 40% depuis 1990, année de référence du protocole de Kyoto.

Cela est en quelque sorte confirmé par une étude publiée le 17 novembre dernier dans la revue Nature Geoscience, qui conclut que les émissions de sources fossiles ont crû de 29% entre 2000 et 2008. Cela est attribuable en grande partie aux pays émergents et à l'exploitation du charbon.

En fait, aux yeux des auteurs du Copenhagen Diagnosis, l'augmentation depuis 1990 est si importante qu'on ose prédire une hausse de la température de la terre de 2˚C supplémentaire d'ici 20 ans... même si on ramenait aujourd'hui à zéro les émissions de CO2.

Les scientifiques soutiennent même que la Terre se dirige actuellement vers une hausse de 7˚ des températures d'ici la fin du siècle, malgré l'existence d'un consensus international sur l'importance de contenir cette augmentation sous les 2˚.

Point de non-retour

Afin que le monde ait «une chance raisonnable d'éviter les impacts les plus dramatiques du changement climatique», les chercheurs recommandent à la communauté internationale de réduire rapidement les émissions de gaz à effet de serre et ce, dans un horizon de cinq à 10 ans.

«Le point de non-retour est extrêmement proche, croit Richard Somerville, du Scripps Institution of Oceanography, de l'Université de Californie. Si nous voulons éviter de dépasser le seuil des 2°C de réchauffement global, le pic des émissions fossiles ne doit pas se produire au-delà de 2020.»

Cela dit, la concentration en gaz carbonique de l'atmosphère étant plutôt abstraite, les chercheurs notent également, dans leur synthèse scientifique, les récentes modifications physiques constatées sur le terrain.

On avance ainsi que le niveau de la mer monte beaucoup plus rapidement que prévu (plus de 5cm au cours des 15 dernières années), que la banquise arctique se résorbe plus vite que ne l'entrevoyaient les projections du GIEC et que les calottes glaciaires du Groenland et de l'Antarctique perdent toutes deux de plus en plus de masse.

On soutient qu'au rythme où vont les choses, la montée du niveau des mers pourrait excéder 1m d'ici la fin du siècle.

«C'est le dernier appel des scientifiques aux négociateurs des 192 pays qui se rencontrent à Copenhague», renchérit le directeur du Potsdam Institute for Climate Impact Research, Hans Joachim Schellnhuber.