À l'approche de la conférence mondiale de Copenhague, l'impact de la croissance démographique sur la dégradation du climat, longtemps considérée comme tabou, est désormais ouvertement évoqué dans les enceintes internationales.

Délicate à manier, la question est ainsi posée pour la première fois par un rapport de la mi-novembre du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP): «Freiner la croissance démographique (...) contribuerait à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) à l'avenir». Si la population mondiale atteint 8 milliards en 2050 plutôt que les 9 milliards estimés, 1 à 2 gigatonnes de carbone seront économisées chaque année: l'équivalent des économies réalisées si tous les nouveaux bâtiments étaient construits selon des normes à haute efficacité énergétique et si des éoliennes remplaçaient les centrales à charbon.

Le planning familial, qui permet aux femmes de contrôler les naissances, figure parmi les moyens «d'influer sur l'évolution future des changements climatiques», estime l'étude intitulée «Femmes, population et climat».

Selon des recherches de la London School of Economics (LSE), chaque tranche de sept dollars dépensée pour le planning familial d'ici à 2050 permettrait d'économiser plus d'une tonne de CO2 par an dans le monde. Obtenir le même résultat grâce aux technologies vertes coûterait 32 dollars US.

L'ONU estime que 40% des grossesses dans le monde sont non désirées.

Le ralentissement de la croissance démographique agirait différemment sur le climat selon les continents.

Pour Malcom Potts (University of California), si la population aux États-Unis devait atteindre 450 à 500 millions en 2050, contre 300 aujourd'hui, «toute naissance non désirée évitée dans ce pays permettrait au monde de mieux respirer».

Deuxième pollueur mondial (après la Chine), l'Amérique émet environ 23 tonnes de GES/habitant, un record absolu dix fois supérieur aux pays les plus pauvres.

La situation est toutefois contrastée dans les grandes économies émergentes.

En Chine, la politique de l'enfant unique a permis d'éviter quelque 300 millions de naissances, mais elle a aussi facilité le développement d'une classe moyenne avide de consommer et une croissance économique grosse émettrice de GES.

À l'inverse, dans les pays les plus démunis - d'où proviendra 99% de la croissance démographique des quarante prochaines années - la réduction de la fertilité constituerait une aubaine: moins de pression sur l'environnement, moins de monde exposé au manque d'eau, aux inondations, aux mauvaises récoltes ou aux catastrophes climatiques....

Certains experts regrettent que le débat ait été délibérément écarté par les natalistes, pour qui une démographie florissante constitue un atout et une grande famille, un filet de protection pour la vieillesse.

Mais les politiques démographiques restent aussi marquées par l'héritage de Thomas Malthus, dont les travaux au 18e siècle tissant un lien entre surpopulation, faim et maladie, furent démentis par la mécanisation de l'agriculture...

Plus récemment, les cas de stérilisation forcée en Inde dans les années 70, ou les controverses sur l'enfant unique en Chine et le déséquilibre qu'elle entraîne au détriment des petites filles, ont fait du contrôle de la démographie une zone quasi-fermée au débat.

Et pourtant, 37 pays en développement ont déjà intégré la donne à leurs plans contre le réchauffement et l'Union européenne suggère de tenir compte de la politique démographique d'un pays quand on évalue ses efforts de réduction des GES, rapporte Bob Engelman (Worldwatch Institute), co-auteur du rapport du FNUAP.