Des écologistes, des universitaires et des membres d'une coalition de groupes locaux du sud-ouest ont utilisé, ce matin, une tribune originale pour interpeller le Premier ministre Jean Charest sur la question des changements climatiques, en affichant leur message au-dessus de l'échangeur Turcot, en pleine période de pointe.

«Turcot = 25 000 automobiles de plus», clamait, ce matin, la bannière de 30 mètres carrés, suspendue à la structure d'un pont d'étagement chevauchant l'A-15, à proximité du grand échangeur. Québec souhaite le reconstruire tel quel, à un coût de 1,5 milliard$.

Le message des écologistes, a expliqué hier André Porlier, directeur du Conseil régional de l'environnement de Montréal, était aussi une invitation au gouvernement à «faire preuve de cohérence entre le désir de faire du Québec un leader nord-américain de la lutte aux changements climatiques, et des projets routiers comme Turcot ou celui de la transformation de la rue Notre-Dame, qui contribuent à augmenter les émissions des gaz à effet de serre».

Professeure associée au département d'études urbaines et touristiques de l'UQAM, Florence Junca-Adenot était sur place, ce matin, pour appuyer l'initiative des écologistes, en faveur d'une réduction du trafic automobile dans la métropole.

«En campagne électorale, a-t-elle rappelé, tous les partis s'entendaient pour faire une priorité du développement des transports collectifs et actifs, et ils étaient tous, aussi, en faveur d'une diminution de 15 à 20% de la circulation automobile en ville. C'est une priorité qui fait consensus à Montréal.»

Mme Junca-Adenot, qui a été présidente de l'Agence métropolitaine de transport (AMT), a estimé que les grands projets routiers en cours de développement comme ceux de l'échangeur Turcot et de la rue Notre-Dame, «doivent être réexaminés à la lumière de tous les projets de transports en commun proposés» pour améliorer les déplacements des personnes, dans l'île de Montréal. Cette réflexion nécessaire, selon elle, doit intégrer des solutions de transport routier et de transports collectifs, «au lieu de se limiter à l'analyse, projet par projet, de chacune des solutions avancées».

À la veille de la publication d'un rapport attendu du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) sur le projet de reconstruction de l'échangeur Turcot, Pierre Gauthier, professeur d'urbanisme à l'université Concordia, a pour sa part souhaité que ce projet ne soit pas lancé sans modifications profondes, en prenant prétexte de l'urgence de réparer l'échangeur, traversé chaque jour par près de 300 000 véhicules.

«Dans l'axe nord-sud, celui de l'autoroute 15, l'infrastructure est en mauvais état, et les travaux doivent peut-être procéder plus rapidement, a-t-il souligné hier. Le ministère des Transports du Québec n'a toutefois pas fait la preuve de cette urgence dans l'axe est-ouest, et c'est dans cet axe-là que le projet doit être complètement révisé.»

Au printemps dernier, le BAPE a entendu plus d'une centaine de mémoires venant de citoyens, de groupes locaux, d'organismes de santé, d'associations professionnelles, et des municipalités (Montréal, Westmount, Montréal-Ouest) et des arrondissements (Sud-Ouest, Lachine, etc.) touchés par la reconstruction de l'échangeur Turcot.

L'immense majorité des opinions présentées était défavorable au projet du MTQ. Les recommandations du BAPE sur le projet Turcot doivent être rendues publiques d'ici une semaine, au plus.

Ce matin, la bannière suspendue au-dessus de l'A-15, vers 8h, en pleine période de pointe matinale, a dû être retirée 90 minutes plus tard, à la demande de la police. La manifestation, qui a attiré une trentaine de personnes, n'a provoqué ni désordre, ni perturbations de la circulation.