Etre financé par de puissantes multinationales au risque de devoir édulcorer son message ou tourner des films indépendants, plus percutants mais à l'audience moins large: tel semble être le dilemme des cinéastes décidés à alerter l'opinion sur l'état de la planète.

À film «écolo», financement vert ? Avant même sa sortie le 7 octobre, le documentaire «Le Syndrome du Titanic», qui ambitionne de «changer notre regard sur le monde» en pointant les défis écologiques à l'échelle de la planète, suscite une polémique. Selon Pop Com, une émission «d'analyse du grand cirque médiatique» sur la chaîne privée française Canal+, le réalisateur-narrateur du film, l'écologiste français Nicolas Hulot, aurait modifié son commentaire en voix off car l'un de ses sponsors, la SNCF (chemins de fer) le jugeait trop pessimiste.

«Je n'ai fait aucune modification suite à des commentaires de partenaires», répond Nicolas Hulot à l'AFP.

Mais la question se pose désormais à chaque sortie d'un film «écolo».

«La fin», sensibiliser largement aux enjeux écologiques, justifie-t-elle «les moyens», accepter l'argent d'industriels désireux de faire oublier le caractère polluant de leurs activités ?

Sorti en juin dans 124 pays et accompagné d'une massive campagne de promotion, le film «Home» a été sous le feu des critiques pour avoir été payé, à hauteur de 12 millions d'euros, par le groupe PPR dont les activités (luxe, distribution) ont une empreinte écologique non négligeable.

Le réseau Sortir du nucléaire a aussi accusé son auteur, le photographe Yann Arthus-Bertrand, d'y avoir «occulté la question du nucléaire», estimant que cela ne pouvait «que renforcer les soupçons de collusion avec l'un de ses principaux sponsors, EDF».

Attendu le 27 janvier après un tournage de quatre ans tout autour du globe, l'ambitieux et coûteux «Océans» du réalisateur français Jacques Perrin («Le peuple migrateur») compte un nombre record de sponsors parmi lesquels Total, EDF ou Veolia, comme l'indique son site officiel.

D'autres, comme l'Autrichien Erwin Wagenhofer, qui a dénoncé les ravages écologiques causés par la pêche et l'agriculture intensives dans «We feed the world» (2007) et un capitalisme irresponsable dans «Let's make money» (2009), ont choisi l'indépendance.

«Pourquoi une grande entreprise dépense-t-elle de l'argent pour un film ? Que veut-elle, à quoi doit-on s'engager ?», dit-il dans un entretien à l'AFP.

«Les chaînes de TV gagnent beaucoup d'argent en diffusant des publicités pour les multinationales, alors si elles vous financent, les problèmes commencent ! C'est pour cela que je ne fais jamais appel à elles, sauf (la chaîne franco-allemande) Arte».

Mais ces films sont surtout vus, en salles et dans les festivals, par un public déjà sensible aux enjeux écologiques.

Toutefois, à l'ère numérique, indépendance et large diffusion peuvent aller de pair, estime la réalisatrice britannique Franny Armstrong, 37 ans, auteur de «L'âge de la stupidité», un cri d'alarme sur le réchauffement climatique.

«Grâce à mon long métrage sur McDonalds («Mc Libel», ndlr) j'ai réalisé qu'il était essentiel de posséder tous les droits de son film, parce qu'alors on a le contrôle sur sa distribution», explique-t-elle à l'AFP.

«Au final, 25 millions de personnes l'ont vu, alors que s'il avait appartenu à la BBC ou quelqu'un d'autre, il aurait été juste diffusé une ou deux fois à la TV et son audience aurait été bien plus réduite», estime-t-elle.

Projeté il y a une semaine à New York à la veille du sommet de l'ONU sur le climat, le film, qui n'a coûté que 450.000 livres, a été financé par des anonymes, grâce à une souscription.