La piétonisation des rues, le prolongement du réseau cyclable, l'élargissement des trottoirs, le développement du transport en commun... Confinées au mouvement écolo dans le passé, ces demandes sont aujourd'hui celles d'une portion croissante des Montréalais.

Voilà le message des fidèles de la toute première heure de la journée En ville sans ma voiture, qui disent observer, année après année, une ouverture de plus en plus grande des citoyens envers des pratiques urbanistiques plus progressistes.

«La journée sans auto le prouve, selon Marco Viviani, de l'entreprise Communauto. S'il y avait dans le passé des protestations quand on bloquait les rues pour l'événement, ce n'est plus du tout le cas aujourd'hui. L'idée est même tellement ancrée, que la journée a des airs de vente trottoir!»

Entre un cyclo-mélangeur qui permettait de faire des smoothies en pédalant, un skatepark où tournoyaient les amateurs de planche à roulettes et de BMX et un spectacle de baladi, l'ambiance était en effet plus ludique que tendue au centre-ville de Montréal, cet après-midi.

Mais de là à dire que les citoyens réclament des politiques de réduction du nombre d'autos?

Oui, répond Marie-Hélène Binet-Vandal, conseillère en aménagement à la Ville de Montréal. «Le message est beaucoup plus compris que dans les années passées, croit-elle. Les gens savent qu'il y a un problème, qu'il faut s'éloigner du tout-à-l'auto. Les Montréalais sont rendus là.»

La réponse positive à l'événement d'hier en est une preuve, selon cette spécialiste, mais la multiplication des projets de quartiers verts sur l'île, avec la bénédiction des citoyens, le confirme plus encore : réaménagement de la place Valois au profit des piétons et des cyclistes, transformation d'un stationnement en allée piétonne dans l'axe de la rue Charlotte, à un jet de pierre du Red Light, transformation de la place Norman-Bethune au sein du campus Concordia, etc.

«Une autre culture du déplacement est en train de prendre racine, estime Julie Beauvilliers, de la direction des Transports de la Ville. Il y a encore du travail à faire, c'est vrai. Mais des journées comme celle-ci permettent justement de sensibiliser encore un peu plus les gens.»

Pour Mme Beauvilliers, le succès de la piétonisation estivale de la rue Sainte-Catherine, dans le Village gay, montre bien que les mentalités évoluent. «C'est un des seuls secteurs où les ventes au détail ont augmenté l'an dernier», note-t-elle.

Un peu plus loin vers l'est, passé la scène où les Porn Flakes entonnent avec énergie «Welcome to the Jungle», l'équipe de l'éco-quartier Peter-McGill tient une partie de hockey improvisée entre groupes scolaires.

«À chaque année depuis 2003, on voit bien que l'idée de la piétonisation fait tranquillement son chemin, lance Paul-Antoine Troxler, coordonnateur. Même que de plus en plus, les gens demandent pourquoi le périmètre s'arrête là et ne se poursuit pas plus loin...»

Un rickshaw à vélo passe sur la Sainte-Catherine, suivi de près par un véhicule électrique à trois roues, tu type Segway, conduit par un policier. Non loin, un groupe d'une vingtaine de personnes s'adonnent au tai chi. Le fonds de l'air est doux, mais il est surtout mois pollué qu'à l'habitude.

«Il y a 28 ans, quand je commençais en environnement, les Montréalais refusaient de croire que leur ville était polluée. Ils me lançaient constamment que Montréal n'est pas Los Angeles, se rappelle André Bélisle, président de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique. Aujourd'hui, ils sont beaucoup plus conscients de la situation.»

Corolaire : ils sont prêts à laisser leur auto au garage au profit du transport en commun. Mais à condition qu'on améliore le réseau, et vite. «Québec dépensera cette année 15 milliards pour les routes, mais seulement deux milliards pour le transport en commun, se désole M. Bélisle. Manifestement, les gouvernements sont en retard sur la population...»