Wayne Johnson a imaginé le tableau idéal pour ses terres du Dakota du Nord: en plus de ses cultures agricoles, il y verrait bien un derrick de pétrole. Et surtout, projet qu'il compte avoir concrétisé dans les deux ans à venir, une ferme éolienne.

Cet agriculteur de 51 ans possède une exploitation de 1 300 hectares dans le nord de cet état de tradition agricole, riche de vastes ressources souterraines: charbon, pétrole et gaz naturel. «On a maintenant identifié une ressource au-dessus du sol», se réjouit-il dans le jardin de sa ferme, balayée en permanence par des rafales en provenance du Canada, quelques dizaines de kilomètres plus au nord.

Cela fait près de dix ans que Wayne Johnson s'intéresse à l'éolien. Il s'agissait à l'époque de ramener de l'activité dans une région vieillissante qui se dépeuplait. Avec 12 agriculteurs, il fonde alors une société, High Country Wind Power, qui investit 25 000 dollars pour un anémomètre. Pendant cinq ans, l'appareil enregistre la vitesse du vent. Le résultat est concluant: environ 35 kilomètre/heure en moyenne. «C'était du jamais vu dans l'industrie éolienne», se rappelle M. Johnson. «Évidemment, ils se sont intéressés à nous».

Les agriculteurs, désormais plus de 60, ont depuis signé une lettre d'intention avec le groupe énergétique canadien Altagas, qui va fournir les investissements pour une ferme d'une cinquantaine de turbines, soit 99 mégawatts (MW). L'installation doit démarrer dans les deux ans. Selon le Conseil mondial de l'Énergie éolienne (Global Wind Energy Council, GWEC), les États-Unis ont ravi à l'Allemagne la place de premier producteur mondial d'énergie éolienne en 2008, avec des capacités totales de 25 100 MW.

Dans le Dakota du Nord, le vent produisait en mai dernier environ 750 MW, soit presque 5% de l'électricité de l'état. Ce chiffre le plaçait en onzième position parmi les états américains, loin derrière le Texas, largement en tête, ou encore l'Iowa et la Californie.

«Le potentiel est bien plus important que cela», assure Kari Knudson, vice-président de l'université de Bismarck, capitale de l'état, qui possède un département consacré à l'énergie. Quelque 5000 MW sont déjà en cours de développement. Le département du commerce de l'état estime que la production pourrait atteindre 138,4 gigawatts (GW), un potentiel qu'il affirme inégalé aux États-Unis.

«Le vent souffle beaucoup» dans la région, sourit Gregory Ridderbusch, vice-président de Great River Energy, une coopérative de production électrique basée dans l'état voisin du Minnesota, qui s'est diversifiée dans l'éolien.

Le secteur a pourtant subi un fort coup de frein avec la crise financière. Les entreprises, souvent de taille modeste, ont dû repousser les investissements importants nécessaires pour financer les turbines, qui coûtent plus d'un million de dollars l'unité.

«Au plus fort de la crise du crédit, certains projets ont été suspendus», reconnaît M. Ridderbusch. «Maintenant, ça va mieux».

L'administration a récemment annoncé qu'environ 3 milliards de dollars du plan de relance promulgué en février seraient dévolues aux énergies renouvelables.

Principal obstacle désormais, dans un état qui exporte 70% de l'énergie qu'il produit: avoir accès à un réseau capable de transporter une forte quantité d'énergie.

Le groupe Montana-Dakota Utilities a été chargé par les autorités de l'état d'étudier la faisabilité d'une «autoroute électrique» susceptible d'amener l'énergie vers son marché jugé le plus prometteur: Chicago, à plus de 1 000 kilomètres au sud-est.