Des millions de personnes meurent chaque année de la pollution de l'air. Le parc auto mondial ne cesse de croître. L'eau subit des pressions sans précédent partout sur la planète. Les émissions de gaz à effet de serre atteignent des niveaux records...

«Pour nous les environnementalistes, c'est un constat d'échec», reconnaît Jocelyn Desjardins, coauteur de Manifestement vert, un livre aux multiples signatures prestigieuses, lancé hier à Montréal.

S'attardant au sort des quatre éléments - eau, feu, terre et air -, cet ouvrage se veut un survol des principales menaces environnementales, au Québec comme ailleurs, ainsi qu'un condensé des solutions à leur apporter.

Rédigé par Jocelyn Desjardins, ancien de Greenpeace, et par François Tanguay, vieux routier de la scène environnementale ayant travaillé autant pour la Régie de l'énergie que pour Greenpeace, Manifestement vert contient également des textes des écologistes David Suzuki, Steven Guilbeault, Laure Waridel et Jean Lemire.

«Pour la première fois de son histoire, l'humanité fait face à une échéance planétaire», écrit en préface le communicateur Jacques Languirand, donnant le ton à ce livre qui brosse un sombre tableau de la situation.

Certes, on y trouve des témoignages positifs et des exemples de projets verts réussis, mais on pose surtout un diagnostic brutal de la situation, au moment où l'économie et l'environnement, tous deux, ont frappé un mur.

Cela nous amène d'ailleurs à une question d'importance qui, à défaut d'être franchement abordée dans le livre, se devine entre les lignes: en profitera-t-on pour relier environnement et économie, ou continuera-t-on collectivement à les mettre en contradiction?

«Il faut inventer la pérennité du capital humain et du capital environnemental, estime Jocelyn Desjardins. Il faut recentrer l'économie sur le développement de l'énergie solaire, de la géothermie, de l'éolien. Nous sommes entrés dans l'époque des grands gestes.»

Un peu plus optimiste face au virage qu'il constate, François Tanguay en appelle pour sa part à plus de cohérence dans les décisions politiques. Il illustre son propos en donnant la forêt comme exemple: on se dit soucieux de son sort et pourtant, on continue de voir chaque arbre comme un 2 x 4 potentiel, déplore-t-il.

«Or il est possible d'agir différemment, ajoute celui qui dirige aujourd'hui la Coalition québécoise du bois. En Gaspésie, il y a tout un réseau de coopératives forestières qui s'organisent pour développer des débouchés: des copeaux pour le chauffage, de la biomasse pour de l'énergie et du carburant, etc.»

Manifestement vert a le mérite de présenter des solutions pragmatiques. On met de l'avant l'efficacité énergétique, le transport collectif électrique, les compteurs d'eau, le marché du carbone, etc.

Mais ces solutions sont bien connues des dirigeants, non? «Oui, mais il y a néanmoins un énorme manque de vision, un manque de visionnaires, croit François Tanguay. Toutes ces solutions sont réalisables. Et pourtant, on continue de couler du béton comme si c'était la seule chose à faire.»

S'ils s'entendent sur le constat, les auteurs ont cependant plus de difficulté à tomber d'accord sur la direction que prend aujourd'hui la planète. Alors que François Tanguay croit qu'un virage «prononcé et rapide» est en cours, Jocelyn Desjardins estime que les grands gestes tardent à être posés.

«Nous devons nous poser la question: qu'est-ce qui nous reste à faire désormais? À mon avis, comme écologistes, nous devons investir d'autres terrains, croit M. Desjardins. Nous devons nous présenter en politique. Nous devons appeler les investisseurs et les confronter. Nous devons assumer le discours que nous prononçons depuis un moment.»