La Polynésie compte un grand nombre d'espèces de plantes et d'animaux terrestres endogènes, mais beaucoup ont déjà disparu ou sont menacées par l'introduction d'espèces invasives, soulignent des scientifiques réunis cette semaine à Papeete.

Comme sur les Galapagos décrites au XIXe siècle par Darwin, le morcellement des terres polynésiennes en îles et atolls a entraîné la formation d'espèces distinctes, notamment de mollusques terrestres et d'oiseaux, à partir d'un ancêtre commun.

Avec un peuplement humain vieux de seulement mille ans et une formation géologique récente, la Polynésie et Hawaï constituent «un ensemble de laboratoires pour comprendre comment l'homme a interagi avec son environnement», a affirmé Patrick Kirch, du département anthropologie et biologie intégrative de l'université de Californie à Berkeley, au 11e inter-congrès des sciences du Pacifique.

En examinant le sous-sol de l'île de Mangareva, dans l'archipel des Gambier (est de la Polynésie), qui compte parmi les biotopes les plus pauvres de la région, l'équipe de M. Kirch a découvert un grand nombre de fossiles d'escargots éteints et d'oiseaux aujourd'hui absents de l'île.

Grâce à une couche de charbon de bois qui témoigne de la déforestation par ses premiers habitants, il a pu déterminer que ces espèces se sont éteintes peu après leur arrivée, il y a environ mille ans.

Le même phénomène a été observé sur d'autres îles polynésiennes ainsi qu'en Nouvelle-Zélande, où le moa, un oiseau géant incapable de voler, a été chassé jusqu'au dernier par les Maoris, après leur arrivée depuis la Polynésie il y a 700 à 800 ans.

En Polynésie, «il y a eu trois vagues d'extinction: la première avec l'arrivée des Polynésiens il y a environ mille ans, la deuxième avec l'arrivée des Européens au XVIIe siècle qui ont notamment introduit le rat noir, passager clandestin sur les bateaux, et la troisième actuellement» liée à l'intensification des échanges commerciaux, résume Jean-Yves Meyer, un biologiste employé par le gouvernement de Polynésie française.

«Sur les îles sans rats noirs aux Marquises, on trouve encore des oiseaux endémiques remarquables comme le monarque, la perruche», constate ce chercheur.

Plus récemment, la prolifération sur les hauteurs de Tahiti et d'autres îles montagneuses du miconia (Miconia Calvescens), un arbuste ornemental d'origine brésilienne à la canopée tellement touffue qu'il ne laisse pas passer la lumière, a conduit à la disparition de nombre d'espèces du sous-bois ainsi qu'à l'érosion des sols dont certains sont venus combler les lagons, étouffant le corail.

Après des recherches en collaboration avec des universitaires de Hawaï, où le miconia pullule aussi, l'équipe de M. Meyer a lâché dans la nature un champignon qui détruit les pousses et les feuilles de cette espèce, permettant une reconstitution partielle du sous-bois.

Les essais préalables en laboratoire ont permis d'éviter de remplacer un mal par un autre. Dans les années 1970, un escargot carnivore, introduit pour éradiquer un escargot géant lui même importé pour être consommé, avait ainsi éliminé une cinquantaine d'espèces de gastéropodes endémiques.

Mais en dépit des efforts pour lutter contre certaines espèces invasives, des animaux et des plantes continuent à s'éteindre dans les îles du Pacifique. «Les incendies ou la construction d'un aéroport ont une plus grande chance d'entraîner la disparition d'une espèce endémique sur une petite île de Polynésie qu'ailleurs», constate M. Meyer.