Aujourd'hui s'amorce à Havre-Saint-Pierre une toute nouvelle bataille sur le front hydroélectrique. Au coeur du débat, l'impressionnante Romaine qu'Hydro-Québec souhaite aménager, mais que les écologistes veulent plutôt préserver. Tour d'horizon.

S'écoulant du plateau laurentien au golfe du Saint-Laurent, la Romaine est l'une des dernières grandes rivières sauvages du Québec. D'où son immense attrait pour Hydro-Québec, qui estime que le temps est venu d'exploiter ce majestueux cours d'eau capable de répondre rapidement aux besoins de nos voisins.

La société d'État présentera cet après-midi sur la Côte-Nord les détails de son vaste projet de transformation de la Romaine. Il consiste en la construction de quatre barrages et d'autant de centrales qui, ensemble, fourniront une puissance globale de 1550 MW, soit l'équivalent de Manic-5 dans la région de la Côte-Nord.

Ce vaste complexe hydroélectrique situé à 50 km au nord de Havre-Saint-Pierre permettra à Hydro d'augmenter sa production annuelle de 8 TWh et ainsi, de répondre à l'appétit grandissant de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick, ainsi que des États américains de la Nouvelle-Angleterre et de New York.

Dès les premiers kilowattheures disponibles en 2014, la totalité de la production issue de la Romaine sera en effet vendue à l'extérieur de la province pour la durée des travaux, soit une demi-douzaine d'années.

Mais tout cela a un coût, et pas seulement financier, font valoir les groupes écologistes qui s'opposent à ce projet, comme Nature Québec et la Fondation rivière. Ils s'interrogent d'abord et avant tout sur la pertinence de saccager un territoire et de débourser 6,5 milliards de dollars, sans qu'aucun contrat de vente à l'étranger n'ait encore été signé.

«Personne ne peut être certain qu'Hydro-Québec vendra cette énergie, fait remarquer Christian Simard, directeur de Nature Québec. Dans ce cas, pourquoi aller de l'avant en 2008 avec une solution des années 60? Pourquoi ne pas plutôt regarder du côté de l'éolien, du solaire, de la géothermie?»

Hydro rétorque que le Québec a «le grand avantage» de pouvoir opter pour une solution d'énergie propre, renouvelable et qui produit peu de gaz à effet de serre. En outre, la société d'État fait déjà dans l'éolien, une source d'énergie d'appoint qui nécessite une puissance garantie comme celle qu'offre l'hydroélectricité, note-t-elle.

Cela dit, les environnementalistes ont aussi des doléances liées plus précisément à certains impacts environnementaux du projet, qui nécessitera l'ennoiement d'une superficie de 279 km2 et qui bouleversera l'écosystème.

On reproche entre autres à la société d'État de faire complètement disparaître l'omble de fontaine (truite mouchetée), d'empêcher les frayères de survivre en raison des variations trop importantes des eaux dans les réservoirs et surtout, de nuire à la vitalité du golfe du Saint-Laurent en lui retirant un important apport d'eau douce.

«Le Golfe est malade et on ose lui enlever un soluté», illustre Christian Simard.

Fort d'une étude de l'Institut des sciences de la mer de Rimouski, Hydro répond plutôt que son projet n'aura pas d'impact sur le Golfe. Elle ajoute que l'omble de fontaine sera ensemencé non loin, que les caribous feront l'objet d'un rigoureux suivi scientifique et, surtout, que le débit réservé sera dicté par les besoins du saumon atlantique.

«Il faut aussi noter que la Romaine est une rivière encaissée, un peu comme un petit canyon, précise Marc-Brian Chamberland, d'Hydro-Québec. Cela permet de limiter l'ennoiement. À titre comparatif, les réservoirs de la Toulnustouc ont une superficie équivalentes, mais ne permettent la production que de 2,7 TWh.»

Notons que les séances d'information du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) débutent aujourd'hui en Minganie. Suivront les séances de consultations, puisque Hydro-Québec a demandé au gouvernement de tenir un tel processus.

Pour les écologistes, la Romaine est la 14e des 16 grandes rivières du Québec à être aménagées. Pour Hydro, il s'agit plutôt de la 74e rivière, sur les 4500 du Québec, à être utilisée pour les besoins hydroélectriques.