Les populations d'oiseaux, en France, ne déplacent pas leur aire d'habitat vers le nord aussi rapidement que le réchauffement climatique, révèle une étude française à paraître mercredi dans la revue britannique des Proceedings of the Royal Society.

Au cours des 18 dernières années, la température moyenne a augmenté de 0,068 degrés Celsius par an, c'est-à-dire qu'une température donnée s'est déplacée de 273 km vers le nord. Or les populations d'oiseaux ont vu leur aire de distribution bouger de seulement 91 km vers le nord, ont constaté des chercheurs du Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN) et de l'université de Montpellier.

Des études spécifiques avaient déjà indiqué que certaines espèces d'oiseaux ne suivaient pas le réchauffement climatique dans leur déplacement. «Ce qui est nouveau c'est que l'on a montré ces résultats pour tout un groupe, tous les oiseaux en général de la France», a déclaré à l'AFP le principal auteur de l'étude, Vincent Devictor, de l'Université de Montpellier.

Les chercheurs ont suivi pendant ces 18 ans l'évolution des aires de distribution de 105 espèces d'oiseaux, sur quelque 1500 sites.

«On ne s'attendait pas à trouver cette valeur-là» dans le retard du déplacement des oiseaux par rapport au réchauffement (182 km), a reconnu Vincent Devictor en évoquant un risque de conséquences dramatiques pour la biodiversité.

«On s'attend à ce qu'il y ait des conséquences assez graves dans le sens où il est très peu probable que toutes les espèces répondent de la même façon au réchauffement : si les oiseaux accumulent un retard face au réchauffement climatique, il est très probable qu'il ne soit pas le même pour les insectes, les plantes, les mammifères...», a-t-il noté.

Alors il sera «fort possible de voir une désynchronisation des interactions entre les espèces: si par exemple les insectes et les oiseaux qui les mangent ne répondent pas de la même façon dans leur déplacement vers le nord, on va vers un bouleversement de ces interactions entre espèces», a-t-il ajouté.

Jusqu'à présent, les études sur le comportement des oiseaux face au réchauffement climatique étaient des «photos» de certaines espèces, à des moments donnés. «On suivait seulement le recul ou l'avancée de la limite de l'aire de distribution», a encore expliqué Vincent Devictor. «Ici, nous avons pris toute la distribution spatiale de l'espèce, (...) en continu sur une vingtaine d'années, en quantifiant tout ce qui se passait à la limite, mais également au centre de l'aire de l'espèce».

En suivant seulement les limites atteintes par les populations (ancienne méthode), a souligné le chercheur, la rapidité de déplacement observée était 8 fois moins importante que celle constatée avec la méthode prenant en compte la population dans son ensemble.