Deux immenses blocs se sont détachés du plus gros plateau de glace côtier de l'Arctique pour former des «îles flottantes», la fracture la plus importante du genre depuis trois ans, ont annoncé mardi des responsables canadiens.

Une île de glace flottante de 4 à 5 km2 et une autre de 14 km2 se sont formées après s'être détachées de la plate-forme de glace Ward Hunt, qui jouxte l'île d'Ellesmere dans l'extrême-nord canadien, a indiqué à l'AFP Luc Desjardins, prévisionniste au Service canadien des glaces.

«La première se serait fracturée aux alentours du 22 juillet et la seconde dans la nuit du 23 au 24 juillet», a-t-il précisé, soulignant qu'un chapelet de morceaux plus petits s'était aussi détaché et dérivait.

Une patrouille scientifique canadienne a effectué un vol de reconnaissance au-dessus de la première «île flottante» et a par la suite contacté d'autres chercheurs pour analyser les données satellitaires et ainsi constaté, plus de 24 heures plus tard, le détachement du second plateau de glace.

C'est le plus important vêlage d'une plate-forme de glace dans l'Arctique depuis le détachement en 2005 de «l'île de glace Ayles», d'une superficie de 66 km2, équivalente à celle de Manhattan, elle aussi attachée à l'île d'Ellesmere.

Le phénomène qui s'est produit en août 2005 avait émis une telle énergie qu'il avait été détecté par des appareils sismologiques canadiens situés à 250 kilomètres de là, mais personne n'était parvenu à identifier sur le moment ce qui s'était réellement passé.

Des chercheurs avaient ensuite analysé les données satellitaires pour s'apercevoir que ce morceau de glace géant s'était détaché d'un glacier accroché à l'île d'Ellesmere pour partir à la dérive dans l'Arctique.

Cinq grands plateaux de glace côtiers couronnent l'extrémité nord de l'île d'Ellesmere, dont le Ward Hunt considéré comme le plus important avec sa superficie totale de 443 km2.

Les plate-formes de glace de l'île d'Ellesmere, de vastes franges de glace épaisse et ondulante flottant sur la mer mais attachée à la terre, ont commencé à se constituer il y a près de 4 000 ans, selon des travaux récents de chercheurs canadiens.

«On a constaté que durant le 20e siècle, on a eu une perte de 90% de la superficie de la glace. Donc c'est un processus déclenché depuis longtemps mais on voit des événements ponctuels», assure Derek Mueller, géographe spécialiste de l'Arctique, à l'Université Trent, en Ontario.

Il cite notamment le cas du plateau de glace Petersen qui a perdu un tiers de sa superficie entre 2005 et 2007.

Le vêlage de ces plateaux glaciers est un indicateur du réchauffement climatique dans l'extrême Arctique, estiment plusieurs chercheurs.

Le plateau de glace de Ward Hunt s'était fissuré en son centre en 2002 sans partir à la dérive dans l'Arctique et une équipe scientifique avait détecté ce printemps une nouvelle brèche de 18 kilomètres de long et 40 mètres de profondeur.

Mais «il semble que le détachement des morceaux de glace ne serait pas lié à la fracture décelée aux printemps», a déclaré M. Desjardins du Service canadien des glaces.

«La fissure en 2002 a coupé la plate-forme de glace en deux moitiés. Je crois qu'avec le temps, il y a eu des faiblesses parce que l'intégrité de la plate-forme, sa structure, n'était plus la même», explique M. Mueller.