Ils mènent des opérations commando armés de pelles et de râteaux dans le but de transformer des terrains vagues en parcelles verdoyantes: intervenant sans autorisation, les «jardiniers guérilleros» opèrent à Los Angeles et dans d'autres grandes villes des États-Unis où leur mouvement s'enracine.

Un samedi soir à Los Angeles. Une dizaine d'activistes, certains en combinaison orange, se mettent au travail sur un bout de terrain desséché le long d'une bretelle d'autoroute très fréquentée à Hollywood. Au petit matin, ils laissent derrière eux un carré de buissons verts et des fleurs colorées, ainsi qu'une pancarte: «Guérilla jardinière. Arrosez-moi, s'il vous plaît.»

Embellir des espaces publics vides ou envahis par la végétation, tel est le credo de ces jardiniers qui agissent généralement de nuit et sans le feu vert des autorités municipales. «Nous luttons contre le manque d'entretien», explique le gourou du mouvement, le Londonien Richard Reynolds, fondateur du site Internet guerillagardening.org.

Des jardiniers guérilleros mènent des actions dans des villes du monde entier, pas seulement aux États-Unis. «On essaie de ne pas se laisser arrêter par la bureaucratie», souligne Steven Coker, un comptable qui entretient un jardin de sa propre initiative en face de sa maison dans l'ouest de Los Angeles. Après avoir créé ce coin de verdure il y a une dizaine d'années, il a essayé plusieurs fois d'obtenir le droit de l'entretenir officiellement, mais sans succès.

Scott Bunnell, qui entretient un espace vert de la guérilla depuis dix ans, dit vouloir montrer qu'il peut y avoir des jardins demandant peu d'entretien dans le climat aride du sud de la Californie. «Je peux peut-être aider (à montrer) aux municipalités qu'en utilisant des plantes sèches et tolérantes ils pourraient mettre en valeur le paysage», dit-il.

Se disant lui-même «jardinier guérillero», Tom LaBonge, un membre du conseil municipal de Los Angeles, soutient ces militants verts tant qu'ils ne présentent pas de danger pour la sécurité publique et ne gênent pas la circulation.

Selon M. Reynolds, la guérilla jardinière a commencé dans les années 70 à New York, où ce mouvement de bucoliques anonymes a atteint son objectif ultime: des jardins plantés sans autorisation sont aujourd'hui entretenus par la ville. A Montréal, on semble proche d'une collaboration entre la municipalité et les jardiniers activistes, ajoute-t-il.

Mais c'est loin d'être le cas dans la plupart des grandes métropoles, dont Londres et Los Angeles, où le mouvement est présent. Par précaution, le professeur de musique et de théâtre qui a organisé l'opération le long de l'autoroute d'Hollywood tient a garder l'anonymat et demande à ses équipiers d'utiliser des pseudonymes. Durant leur action, quelques voitures de police sont passées mais aucune ne s'est arrêtée.

Jardiner un terrain public sans autorisation enfreint le code municipal de Los Angeles, souligne Cora Jackson-Fossett, porte-parole du département des travaux publics de la ville. Les contrevenants risquent une amende et la prison.

Reste que de nombreux membres de la guérilla jardinière à Los Angeles et ailleurs disent n'avoir jamais été menacés sérieusement par les autorités. Souvent, la police ou des employés de la ville s'arrêtent pour demander aux militants ce qu'ils sont en train de faire, et passent leur chemin lorsqu'ils entendent la réponse: «Je jardine.»

James Caviola, un avocat de Seal Beach, s'est lancé dans la guérilla jardinière il y a 12 ans. «Mon but était d'embellir le quartier», explique-t-il. Il travaille désormais en partenariat avec la ville pour planter des arbres. Il oeuvre bénévolement avec l'aide de son association «Des arbres pour Seal Beach». Son action étant approuvée par les autorités locales et menée au grand jour, il reconnaît être de facto sorti du mouvement