Les autorités ont resserré leur surveillance des résidus miniers après la rupture d'une digue à Chapais, dans le nord du Québec. Des sédiments toxiques de l'ancienne mine Opémisca, de responsabilité provinciale, ont rempli un ruisseau qui se jette dans la rivière Obatogamau.

L'incident survenu le 23 juin a attiré l'attention sur une bombe environnementale à retardement: le Québec compte environ 100 parcs à résidus miniers abandonnés, dont la majorité se trouvent en Abitibi-Témiscamingue. Selon des observateurs et experts, ces parcs menacent de déborder plus souvent avec la fréquence plus élevée de fortes pluies, causée par les changements climatiques.

Le déversement de Chapais est d'autant plus étonnant que, en 2002, la digue avait été jugée «stable à long terme». La société minière Inmet avait alors été libérée en bonne et due forme de toute responsabilité à l'égard des déchets accumulés pendant l'exploitation de la mine de cuivre, ouverte en 1955 et fermée en 1991.

«À notre connaissance, Inmet avait remis les terrains dans une condition satisfaisante et les ouvrages étaient jugés stables à long terme, a indiqué hier à La Presse André Jean, directeur du développement et du milieu minier au ministère des Ressources naturelles et de la Faune. La loi prévoit alors que l'on doit libérer l'exploitant de ses obligations.»

La rupture est survenue «à notre grande surprise à tous», a dit M. Jean. «Il y avait des conditions climatiques adverses et tout à fait exceptionnelles», a-t-il ajouté. En effet, juin a été très pluvieux dans la région, après un hiver très neigeux.

Calculs faussés

Le Ministère inspecte les vieilles digues minières aux deux ans. Ce n'est sans doute pas assez, estime Michel Aubertin, professeur à l'École polytechnique et titulaire de la chaire industrielle en environnement et gestion des rejets miniers. Les changements climatiques faussent les calculs qui ont servi à prévoir la hauteur des digues.

«Les données climatiques antérieures ne sont pas représentatives des conditions actuelles, a dit M. Aubertin. Il y a plus d'événements extrêmes. Alors dans ces conditions, une inspection aux deux ans, ce n'est évidemment pas suffisant.»

Selon M. Jean, du MRNF, d'autres parcs de résidus miniers ont été inspectés après l'incident de Chapais. «On risque de modifier nos façons de faire», a-t-il dit.

Cependant, selon lui, la majorité des quelque 100 parcs relevant de la responsabilité de Québec sont «à sec», la digue ayant été percée à la fermeture de la mine.

Selon certains témoignages, un simple barrage de castors a pu contribuer au débordement du bassin de 64 hectares. Un élément de plus qui milite en faveur d'inspections plus fréquentes, croit M. Aubertin.

La rupture de la digue d'Opémisca «mine la confiance des Québécois dans la capacité du gouvernement et des compagnies minières de gérer ces sites, qui sont là pour toujours», a dit Ugo Lapointe, de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine.

Ruptures majeures

Dans le monde, au moins 77 ruptures majeures de digues minières sont survenues depuis 1960. Dans certains cas, les dommages sont étendus. Une rupture survenue en Guyane en 1995 a contaminé un fleuve au cyanure sur une longueur de 80 km. Un des incidents les plus sérieux a fait 107 morts en Bulgarie en 1996.

L'incident de Chapais aurait pu faire des victimes. Un véhicule transportant deux hommes et une fillette de 5 ans a été emporté par le coup d'eau. Ces trois personnes ont attendu 40 minutes cramponnées à des buissons avant d'être secourues, a rapporté le journal local, La Sentinelle. Elles s'en sont tirées avec des blessures mineures.

La force du coup d'eau a été telle que des arbres matures ont été arrachés sur une distance de 4 km. Une section de la route 113 a été emportée.

Le panache de sédiments a atteint la rivière Obatogamau, puis la rivière Chibougamau. La communauté crie de Waswanipi (1500 habitants) est établie sur la rive de la Chibougamau. «Les gens sont très inquiets, surtout les trappeurs dont les lignes de trappe suivent la rivière, a dit le chef John Kitchen. On veut savoir s'il y a d'autres mines comme ça. Les compagnies minières doivent nettoyer leurs poubelles.»

Le MDDEP a observé de hauts taux de cuivre, de fer et de zinc dans l'eau, le 24 juin, et l'eau était très trouble, ce qui nuit à la faune aquatique. De nouvelles analyses sont attendues. En attendant, trois petites digues ont été construites pour contenir les sédiments.

Un élément a permis de limiter les dégâts: les rejets de la mine Opémisca ne produisaient pas d'acide, alors que c'est le cas d'environ la moitié des quelque 2000 hectares de sites abandonnés.

Les mines encore en exploitation comprennent nécessairement un bassin de sédimentation: les rejets miniers contiennent environ 50% d'eau mélangée à de la pierre broyée ayant la consistance de la farine.

Toutefois, les nouveaux bassins sont construits plus solidement et surveillés de près, a soutenu M. Aubertin. «Le problème des anciennes digues, c'est qu'elles étaient construites à même les déchets», a-t-il souligné.