La rivière Matapédia est plus jolie cette année que l'an passé. Et plus encore qu'en 2006. Le temps gris et maussade des dernières semaines a empêché la Didymosphenia geminata, une algue envahissante des plus laides, de proliférer dans les eaux cristallines des rivières à saumon du Québec.

Les experts du ministère de l'Environnement ont bien décelé quelques traces du parasite à l'embouchure de certains cours d'eau du Bas-Saint-Laurent, mais jamais en quantités suffisantes pour modifier les habitudes des pêcheurs. Car si la Didymo, comme on la surnomme, ne pose aucun risque pour la qualité de l'eau potable ni pour la santé humaine, elle peut s'avérer des plus embêtantes. Un amas de Didymo ressemble à s'y méprendre à un tas de papier brun détrempé, si bien que ses invasions sont parfois confondues avec des rejets d'eaux usées. «C'est dégoûtant!» tranche Guylaine Michaud, de la Corporation de gestion des rivières Matapédia et Patapédia.

Instinctivement, Mme Michaud a mis le doigt sur les raisons qui semblent expliquer la discrétion de la Didymo. «L'eau est plus froide cette année, et on a eu beaucoup d'orages. Cela a dû aider à nettoyer les rivières», dit-elle. L'expert responsable du dossier au ministère de l'Environnement, Marc Simoneau, lui donne raison: «Le débit des cours d'eau est plus fort qu'à l'habitude, et les périodes d'ensoleillement sont plus rares. Ce n'est pas idéal pour l'algue.»

Ce répit risque toutefois d'être de très courte durée. La Didymo est apparue pour la première fois au Québec en 2006. On sait d'ores et déjà qu'elle résiste à la rigueur de nos hivers. «Sa disparition totale ne peut pas survenir, dit M. Simoneau. Il faut maintenant se concentrer sur les moyens de limiter sa propagation vers d'autres cours d'eau.»

Pour cela, il n'y a pas de remède miracle. «On ne peut pas agir de façon assez spécifique pour neutraliser la Didymo sans agir sur le reste de l'écosystème», prévient M. Simoneau.

Le MDDEP a donc mis sur son site internet une série de recommandations à l'intention des pêcheurs, à qui il explique comment décontaminer leur matériel entre chaque partie de pêche. Les pourvoiries doivent relayer fidèlement l'information. L'enjeu est gros. En tapissant le fond des cours d'eau, la Didymo peut étouffer les algues indigènes et les larves dont se nourrissent les poissons, dont la taille et le nombre risque alors de chuter. Si la Didymo venait à s'incruster, l'industrie de la pêche sportive dans le Bas-Saint-Laurent pourrait être sérieusement malmenée, comme elle l'a été en Nouvelle-Zélande, où les dégâts se chiffrent en millions de dollars.

Et les lacs?

À l'opposé des rivières à saumon, les lacs du Québec souffriraient des précipitations très abondantes enregistrées depuis l'hiver dernier, estime Richard Carignan, expert en limnologie de l'Université de Montréal. Les pluies très fortes augmentent le ruissellement des eaux chargées de matière organique et de phosphore, qui dopent la croissance des algues de toutes sortes, y compris des fameuses algues bleu-vert. Dans leur cas, il sera toutefois difficile de dresser un bilan de leur évolution entre 2007 et 2008 puisque le ministère de l'Environnement a modifié cette année son système de recension des lacs contaminés. Selon l'organisation Eau secours, 20 plans d'eau seraient actuellement pollués, contre 194 en 2007. Hier, des interdictions d'usage étaient en vigueur pour quatre plans d'eau contaminés par des cyanobactéries.