Première ville de France à avoir renoué avec le tramway dès le milieu des années 80, Nantes possède le réseau le plus important du genre dans ce pays. La cité des Ducs a fait des transports en commun l'épine dorsale de son développement durable. Une source d'inspiration pour Montréal qui, en marge de son récent Plan de transport, a fait du tramway sa priorité d'ici 2013.

Au pied du château des ducs de Bretagne, la Loire ne coule plus depuis plus de 60 ans. Les bras du fleuve et ses affluents qui serpentaient dans les rues du centre-ville ont été comblés pour, entre autres, faciliter les déplacements. Au nom du progrès, l'ancienne Venise de l'Ouest a fait sa mue. Ironie de l'histoire, le monument est aujourd'hui au carrefour de deux grands axes de transports en commun qui ont écarté le train et la voiture. Ville d'eau, Nantes est devenue une ville verte.

Nantes possède aujourd'hui un réseau de tramway de 42 kilomètres, le plus important en France. Il transporte chaque jour 260 000 des 450 000 voyageurs que véhicule l'ensemble des transports en commun nantais dans cette agglomération de «seulement» 580 000 habitants.

Car la politique verte des déplacements de Nantes et son agglomération ne se limite pas aux tramways et aux autobus, gérés par la société de transports. La Communauté urbaine de Nantes Métropole chapeaute aussi 350 kilomètres de pistes cyclables. En 2005, elle a implanté trois navettes fluviales permettant de traverser la Loire et la rivière de l'Erdre en direction du centre-ville. Depuis 2006, une quatrième grande ligne de transport relie le sud de la métropole au centre-ville: le busway, un bus alliant écologie et efficacité.

Du tramway au vélo, en passant par la marche et le bus, Nantes Métropole consacre plus de 20% de son budget à sa politique de déplacements avec pour unique objectif de favoriser une mobilité plus verte. Un des derniers exemples en date est le programme vélobus-pédibus: un service bénévole d'accompagnement des élèves, à pied ou à vélo, de leur domicile à leur établissement. Trente écoles de l'agglomération y participent. Le but? Favoriser les «déplacements doux» au détriment de la voiture.

Parallèlement, Nantes restreint l'accès à son centre-ville aux voitures. Celles-ci partagent les boulevards avec les tramways, les autobus et les vélos. Pour inciter les automobilistes à délaisser leur véhicule, 19 «parcs-relais» gratuits sont à leur disposition près des grands axes de transports et des principales stations de l'agglomération. Enfin, en parts égales avec les entreprises, la métropole prend en charge une partie de la réduction appliquée à l'abonnement annuel de tout salarié au réseau de transports en commun.

D'énormes progrès

Cette panoplie de mesures fait-elle pour autant de Nantes un modèle en la matière? «C'est un modèle, en France, relativement équilibré de développement et de partage de la voirie sans introduire de contraintes insupportables, de confrontations brutales», répond Alain Boeswillwald, directeur général de la Société d'économie mixte des transports en commun de l'agglomération nantaise (SEMITAN).

Aujourd'hui, l'ensemble du réseau de transports en commun nantais voit sa fréquentation croître annuellement de 3%, et même de 5% pour le tramway. Sur certains axes, le transport public assure 50% des déplacements vers le centre-ville. Néanmoins, la voiture n'a évidemment pas été abandonnée pour autant. En 2002, avant l'implantation du busway, des navettes fluviales et de certains prolongements de ligne, 62% des déplacements dans l'agglomération se faisaient en voiture. Depuis, le nombre de voyageurs prenant les transports collectifs a augmenté de 26%.

«Pendant très longtemps, on a investi dans les transports en commun, mais on n'a pas constaté de baisse de l'utilisation de la voiture, ni de hausse d'ailleurs. Mais on sent des modifications des comportements dues au prix du pétrole et à l'intérêt pour le développement durable», fait remarquer Laurent Dejoie, maire de Vertou, ville de la banlieue sud de l'agglomération.

Dopée par une croissance économique et démographique constante depuis 15 ans, reposant sur une ville centre qui pèse lourd, l'agglomération nantaise a accompli des progrès «énormes». «Nantes s'est fixé un objectif de préserver sa qualité de vie. Et pour ça, il faut traiter d'abord la question des déplacements, affirme son député-maire, Jean-Marc Ayrault. Car si on n'y répond pas, on est dans un système de transports uniquement axé sur la voiture, dans les bouchons, le bruit, la pollution. De plus en plus, les gens attendent que l'on traite ces questions même si ça change leurs habitudes.»

Construire la ville de demain

La relative réussite de Nantes repose depuis 30 ans sur une politique visionnaire de ses décideurs, qui se sont passé le témoin.

Lorsqu'il devient le premier magistrat de la ville en 1977, Alain Chénard n'a qu'une idée en tête en matière de transports: rompre avec la politique du tout automobile en adoptant un mode de transport séparé du trafic routier. Le tramway est choisi, non sans un certain scepticisme, notamment de sa part. Aux élections municipales de 1983, il est battu en grande partie à cause du sujet des transports. Les Nantais ont peur de voir leur ville coupée en deux. Le chantier n'est pas achevé. Et le tramway paraît désuet dans une cité qui l'avait mis au rancart dès 1958.

Le nouveau maire, Michel Chauty, fait achever le chantier du tramway, inauguré en 1985. Très rapidement, la population l'adopte. C'est un succès.

Installé dans le fauteuil de maire depuis 1989, Jean-Marc Ayrault a poursuivi cette politique en initiant deux autres lignes de tramway.

«Il faut une grande volonté politique, il faut expliquer, assène Jean-Marc Ayrault. Nous avons fait partager la population qui, majoritairement, y adhère. Nous avons aussi fait partager nos partenaires économiques, nos institutions politiques et petit à petit nous avons fait la politique par la preuve. La première ligne de tramway avait suscité la polémique, aujourd'hui les Nantais en redemandent.»

Mais jusqu'où peut aller Nantes en matière de mobilité verte? Le fait-elle à un rythme suffisant? «On construit la ville de demain», soutient Jean-Marc Ayrault.