Le fruit est mûr au Canada pour envisager la possibilité de mettre fin à l'utilisation des chèques en papier, croit le président et chef de la direction de la Banque Nationale, Louis Vachon.

Conscient que le sujet est sensible, il estime néanmoins qu'il s'agit d'un « débat de société intéressant ».

« Cela a été adopté en Suède et en Belgique, mais pas en Angleterre », a expliqué en entrevue M. Vachon, vendredi, en marge de l'assemblée annuelle de la Banque Nationale, qui se tenait à son siège social montréalais.

Dans son discours aux actionnaires, le grand patron de l'institution financière a notamment souligné que les services mobiles avaient connu une croissance de 50 % au chapitre de l'utilisation l'an dernier.

Inversement, la Banque Nationale a traité 7 % moins de chèques en papier au cours de la même période.

« L'argent [papier] et les chèques coûtent cher, a affirmé M. Vachon. C'est difficile d'être rapide et efficace avec des billets de banque et des chèques qui se promènent. »

De plus en plus d'institutions financières offrent la possibilité d'encaisser un chèque grâce à l'envoi d'une photo, un service qui devrait bientôt être disponible à la Banque Nationale.

M. Vachon a évoqué un horizon de cinq ans en ce qui a trait à la disparition des chèques, sans toutefois aller jusqu'à dire qu'il s'agissait d'un échéancier réaliste.

Il a été questionné sur le sujet par un actionnaire de longue date, qui s'est inquiété des répercussions d'un tel scénario pour les personnes habituées à ce type de paiement.

« Entre mes fantasmes et la réalité, il y a souvent de longues périodes, a répondu à la blague le dirigeant de la Banque Nationale. Ce n'est pas pour demain matin. »

L'Association canadienne des paiements travaille actuellement à la préparation d'un document dont la publication est attendue au cours des prochains mois, a précisé en entrevue M. Vachon, ce qui, à son avis, devrait contribuer à alimenter le débat.

Comme ce fut le cas lors d'autres assemblées de banques canadiennes, le scandale des Panama Papers, entourant l'évasion fiscale, a été abordé, à l'initiative du Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC).

Questionné à ce sujet, M. Vachon a répondu que la Banque Nationale n'avait « jamais » eu d'activités au Panama, pays à l'origine de l'éclatement de cette fuite de documents aux répercussions mondiales.

Cette controverse a fait grand bruit au Canada, puisque le nom de la Banque Royale a été associé au Mossack Fonseca, le cabinet d'avocats panaméen au coeur du scandale.

En matière de paradis fiscaux, la Banque Nationale a été présente aux Bahamas jusqu'en 2007, année où elle a décidé de mettre fin à ses activités dans ce pays, a expliqué M. Vachon.

L'institution exploite une filiale de réassurance à la Barbade, mais celle-ci ne compte aucun employé, ce qui fait en sorte que tous ses revenus sont imposés au Canada, affirme la direction de la Banque Nationale.

Néanmoins, M. Vachon est bien conscient que le sandale des Panama Papers éclabousse l'ensemble du secteur bancaire, faisait ainsi grimper la méfiance à son endroit.

« Je ne suis pas certain qu'on a vu le dernier épisode, a-t-il affirmé au cours de l'entrevue. Les gens qui ont réussi à aller chercher l'information [des Panama Papers], ils peuvent le faire dans d'autres paradis fiscaux. »

Finalement, M. Vachon a également plaidé, à l'instar de son homologue de la Banque TD, en faveur d'un encadrement des « fintech », ces nouveaux joueurs dans le secteur qui ne sont pas soumis aux mêmes règles que les institutions financières « Elles peuvent toutefois être des alliées avec qui il est possible de conclure des partenariats », a nuancé le dirigeant de la Banque Nationale.

Il a cité en exemple l'entente conclue aux États-Unis avec le Lending Club, où la Banque Nationale s'est engagée à acheter 300 millions de dollars US de prêts auprès de son partenaire.