Dany Villanueva craint d'être assassiné par des gangs de rue, s'il était expulsé vers son pays d'origine, le Honduras. Des membres des MS 13 et des 18, les deux gangs les plus puissants de l'Amérique latine, lui ont fait des menaces de mort. Sa grand-mère, qui vit toujours là-bas, a aussi reçu des menaces.

C'est du moins ce que le jeune homme de 24 ans a affirmé aujourd'hui devant la Section d'appel de l'immigration au complexe Guy-Favreau à Montréal. Il se bat pour rester au Canada. Il veut toutefois quitter le Québec pour s'établir en Ontario, là où le nom Villanueva ne dit rien à personne, toujours selon son témoignage.  

Sa grand-mère aurait reçu des menaces via messages textes sur son téléphone cellulaire. La maison de cette dernière aurait aussi été incendiée l'an dernier. «Des gens pensent que ma grand-mère va me cacher (si je suis expulsé)», a-t-il expliqué à la commissaire Marie-Claude Paquette.

L'un des cousins de Dany Villanueva, qui vit également au Honduras, aurait été victime d'une tentative de meurtre, puisque des membres de gangs de rue l'auraient pris pour lui. Le jeune homme dit également avoir reçu des menaces via le site Facebook du genre: «On va te tuer. On va tuer toute ta famille». Son avocat, Me Stéphane Handfield, a déposé en preuve les plaintes déposées par la grand-mère à la police.

Dany Villanueva porte une dizaine de tatouages, dont plusieurs symboles religieux. Or, au Honduras, les gens tatoués sont associés à des membres de gangs, a indiqué le jeune homme.

Le 21 avril 2010, la Commission de l'immigration a recommandé son renvoi vers le Honduras pour des motifs de «grande criminalité».  En vertu de la Loi sur l'immigration, une personne qui ne possède pas sa citoyenneté canadienne qui est trouvée coupable d'un crime passible d'une peine de plus de dix ans de prison risque l'expulsion pour des motifs de «grande criminalité».

La personne ne doit pas nécessairement avoir été condamnée à dix ans de prison. Si elle est condamnée à plus de six mois d'emprisonnement pour un délit passible d'une peine de dix ans, elle risque le renvoi vers son pays d'origine. C'est le cas de Dany Villanueva, qui a été condamné à 11 mois de prison, pour deux crimes commis en 2006, soit le vol d'une chaîne en or et la possession illégale d'une arme en feu.

Une pétition de 800 noms ainsi que plusieurs lettres d'appui à M. Villanueva ont été déposées en preuve, dont celles de la CSN, du Congrès juif québécois ainsi que des députés fédéraux Justin Trudeau (libéral) et Thierry St-Cyr (Bloc québécois).

«J'aimerais ça avoir une chance. Je veux changer», a insisté le jeune homme. Il reconnaît avoir été membre des Bloods, le gang rouge présent à Montréal-Nord. Or, il jure s'être désaffilié après sa sortie de prison en 2007. Il a d'ailleurs masqué son tatouage BMF (pour Blood Mafia Family) à l'aide d'un nouveau tatouage ; une croix à la mémoire de son jeune frère tué lors d'une intervention policière qui a mal tourné.

Les parents de Dany Villanueva, des agriculteurs, ont trouvé refuge au Canada après avoir été menacés de mort en raison d'un conflit à propos de terres agricoles. Son père, Gilberto, s'est fait couper deux doigts, en plus d'avoir la clavicule brisée. Ils ont immigré d'abord, et ont fait venir leurs cinq enfants par la suite. Dany Villanueva avait douze ans lorsqu'il est arrivé au Canada.

Dany Villanueva a été un témoin-clé dans l'enquête publique du coroner sur la mort de son frère, Fredy, abattu par un policier dans un parc de Montréal-Nord en août 2008. Il n'aurait pas fait l'objet d'une mesure d'expulsion, n'eut été de l'enquête publique du coroner, estime son avocat.  Lors de cette enquête, la Ville de Montréal et la Fraternité des policiers ont plaidé que Dany Villanueva était l'unique responsable de la mort de son frère, puisqu'il a résisté à son arrestation ce jour-là.

Le jeune homme affirme être victime de discrimination dans sa recherche d'emploi, notamment, au point où il envoie maintenant des CV au nom de Dany Gilberto Madrid (le nom de famille de sa mère). Celui qui vit chez ses parents à Repentigny allègue aussi être constamment intercepté par la police locale lorsqu'il est au volant pour des «vérifications de routine».

Plus tôt aujourd'hui, Me Handfield a présenté une série de requêtes, toutes rejetées par la commissaire. Il s'est opposé au dépôt en preuve de documents qui font état de causes pour lesquelles son client a été libéré des accusations ou encore pour lesquelles il a été sous enquête sans jamais être inculpé. «C'est fait dans le but de teinter négativement le dossier», a plaidé l'avocat. Ce dernier s'est également opposé au dépôt des causes pendantes de son client; invoquant la présomption d'innocence.

C'est que Dany Villanueva est également soupçonné d'avoir utilisé une fausse arme lors de la perpétration d'un vol qualifié au centre-ville de Montréal en juin 2008 pour lequel il est en attente d'un procès. De plus, il a été arrêté au printemps dernier et accusé de conduite avec facultés affaiblies, de possession simple de marijuana et de bris de conditions.

L'avocat de M. Villanueva a aussi contesté l'expertise spécifique d'un spécialiste en gangs de rue du Service de police de la Ville de Montréal, concernant le dossier de son client. L'Agence des services frontaliers du Canada compte faire entendre le sergent-détective Jean-Claude Gauthier pour faire la preuve que Dany Villanueva appartient toujours au gang de rue d'allégeance rouge, les Blood Mafia Family.

Dany Villanueva sera contre-interrogé demain par l'avocate qui représente l'Agence des services frontaliers. Son père, l'une de ses soeurs et sa mère témoigneront également. Le sergent-détective Gauthier sera le dernier à se faire entendre. L'audience doit durer deux jours.

Comme à chacune de ses comparutions, une vingtaine de manifestants se sont déplacés pour soutenir Dany Villanueva. Ces manifestants considèrent que les autorités font preuve d'acharnement envers la famille Villanueva.

La commissaire à l'immigration doit examiner la gravité du crime commis et les motifs humanitaires invoqués par Dany Villanueva pour éviter l'expulsion. Si la commissaire accueille l'appel, la mesure de renvoi est annulée. Si l'appel est rejeté, le jeune homme devra quitter le Canada.

Une troisième option existe: le commissaire pourrait décider d'imposer un sursis, généralement d'une durée de trois à cinq ans, durant lequel la personne doit respecter une série de conditions. Si cette période de sursis est traversée avec succès, le tribunal peut décider d'annuler le renvoi.