Les avocats de la Ville de Montréal et de la Fraternité des policiers de Montréal ont tenté de miner la crédibilité d'un policier retraité de la Gendarmerie royale du Canada présenté comme expert en emploi de la force par le camp Villanueva, hier, à l'enquête du coroner André Perreault.

Certaines flèches ont atteint leur cible. L'ex-policier François Van Houtte a admis que son CV contenait des données inexactes ou carrément fausses.

Si la Ville et la Fraternité réussissent à convaincre le coroner Perreault que le policier à la retraite ne doit pas être déclaré «témoin expert», ce dernier ne pourra pas présenter son analyse de l'événement du 9 août 2008. À moins d'un rebondissement, cela pourrait bien signifier la fin des audiences puisque M. Van Houtte est le dernier témoin à entendre.

Le camp Villanueva a embauché M. Van Houtte le mois dernier pour faire contrepoids au rapport produit par un expert de l'École nationale de police du Québec, Bruno Poulin. Ce dernier avait conclu que, si l'on tient pour avérée la version de l'agent Jean-Loup Lapointe, il n'avait pas d'autre option que de tirer quatre balles puisqu'il n'a pas eu le temps de stopper sa séquence de tirs.

«Il y a des informations dans son CV qui sont fausses. J'ai beaucoup de misère avec cela», a fait savoir Me Michael Stober, de la Fraternité des policiers de Montréal. Dans son CV, le policier à la retraite dit avoir été témoin expert à l'enquête du coroner sur la mort de Martin Suazo, abattu d'une balle dans la tête par un policier de Montréal en 1995. Or, M. Van Houtte n'a jamais témoigné à cette enquête. C'est d'ailleurs l'avocat du coroner, Me François Daviault, qui s'en est rendu compte puisqu'il avait lui-même travaillé comme procureur à l'enquête Suazo.

Dans son CV, M. Van Houtte affirme également avoir participé à des formations à l'étranger auprès d'une escouade d'élite des marines américains ainsi qu'auprès de la police de Hong-Kong. Or, contre-interrogé par Me Stober, il a admis avoir rencontré des représentants de ces forces de l'ordre... à Ottawa.

L'avocat de la Fraternité a également mis en lumière le fait que le témoin n'a pas de diplôme collégial ni universitaire. M. Van Houtte est entré à la GRC après avoir suivi une formation à Regina en 1974. Durant sa carrière, il a notamment travaillé à l'escouade des stupéfiants et à celle de l'antiterrorisme à Ottawa. Il a aussi donné des cours sur l'emploi de la force au Collège canadien de police pendant plusieurs années. Il a pris sa retraite en 1998, deux ans après avoir été suspendu en raison d'un «conflit administratif» avec son employeur, selon son témoignage. Les circonstances de cette suspension n'ont pas été révélées à l'enquête du coroner, hier. M. Van Houtte n'aurait reçu aucun blâme et aurait été réintégré avec salaire, selon Me Alain Arsenault, l'un des avocats qui a requis ses services à titre d'expert en emploi de la force.

Depuis 2004, M. Van Houtte donne un cours sur l'emploi de la force à la Cité collégiale, à Ottawa. Aux yeux de la Fraternité des policiers, ce n'est pas suffisant pour qualifier M. Van Houtte d'expert puisqu'il n'a jamais enseigné à de futurs policiers dans le cadre d'une formation obligatoire.

Pour sa part, l'avocat de la Ville, Me Pierre-Yves Boisvert, a même tourné en ridicule la passion de M. Van Houtte pour le culturisme: «Quand on fait de la compétition de bodybuilding, on passe beaucoup de temps à se gonfler les muscles. Pendant ce temps, on ne s'informe pas sur les techniques d'emploi de la force.»

Le coroner André Perreault a vivement interrompu cette envolée: «Je ne suis pas plus intéressé par sa carrière de culturiste que s'il faisait du macramé.» Ce débat autour des qualités d'expert de M. Van Houtte a duré toute la matinée, hier, et se poursuivra à la reprise des audiences, lundi.