Les avaries au bateau de Vincent Riou (PRB) lors du sauvetage de Jean Le Cam se sont avérées fatales. Le duo de tête de ce Vendée Globe composé de Michel Desjoyeaux (Foncia) et Roland Jourdain (Veolia) prépare ses premiers coups de coude.

Il était 19h20 TU, hier, lorsque Vincent Riou a communiqué avec la direction de la course pour l'informer de son démâtage. C'est lors de manoeuvres à l'entrée du canal de Beagle que la réparation temporaire à son gréement bâbord a flanché. Les conditions de mer n'aidant pas, Riou et Le Cam n'ont pu que regarder le mât tomber et du même coup voir les chances de Riou de reprendre l'épreuve disparaître pour de bon. Riou explique :«Nous étions en train de manoeuvrer en approche du canal Beagle et la réparation provisoire que nous avions faite à bâbord a cassé. Le mât est tombé tranquillement dans l'eau. On n'a rien pu faire d'autre que de l'abandonner, car il y avait du clapot. C'était plus dangereux qu'autre chose. La nuit dernière, on a été pris en remorque par la marine chilienne et on vient d'arriver à Puerto Williams. On avait fait 250 milles avec le gréement réparé, il n'en restait que 50 à faire ! C'est comme ça. J'ai du mal à me projeter plus loin que là où je suis. Il faut qu'on se pose, qu'on se repose, qu'on règle nos problèmes de douanes qui ne vont pas être simples. Il est surtout urgent de ne pas se précipiter. Physiquement, on est fatigué, mais ça, on connaît. Que ce soit moi ou Jean, on en a les bras qui tombent, c'est le truc de trop. Il va falloir qu'on fasse avec, mais ça m'arrive après d'autres événements similaires qui me sont arrivés l'année dernière. J'ai l'impression que l'histoire se répète. On est amarré de manière provisoire à un ponton militaire. Maintenant, on va essayer de trouver un mouillage correct pour garder le bateau en sécurité.»

Pauvre Riou; vainqueur de l'édition 2004-2005 du Vendée Globe tout juste devant son passager (Le Cam), le marin connaît en effet une série noire depuis la Barcelona World Race de 2007. Démâtage, bateau abandonné en mer sur ennuis de quille à la Transat Artemis alors que Loïck Peyron avait dû se détourner pour lui porter assistance, le marin n'en finit plus d'accumuler les tuiles. Sauveur de Jean Le Cam (VM Matériau) avant-hier à la suite d'un chavirage, Riou aura donné priorité au marin dans le besoin avant toute chose et cet homme, déjà reconnu pour son intégrité, n'en ressortira que plus admiré dans le petit monde de l'IMOCA. Mais comme on dit, lorsque les étoiles refusent de s'aligner...

Du côté de la régate même, Michel Desjoyeaux (Foncia) devance Roland Jourdain (Veolia) par 104 milles ce matin, mais le routage pris par les deux marins est bien différent. Alors qu'un anticyclone faisait face au duo à la suite du virage du cap Horn, Desjoyeaux a réussi à s'accrocher de justesse au vent autour de la zone météo et par le fait même profiter d'un contournement par l'est de l'anticyclone, ce qui lui donne moins de distance à parcourir jusqu'aux Sables d'Olonne. Malheureusement, Jourdain n'a pu faire de même malgré sa proximité et il contourne l'anticyclone par l'ouest à l'opposé de son copain. Si en théorie le décalage de 210 milles dans l'est par rapport à Jourdain représente un avantage futur sur la distance réelle à faire vers la ligne d'arrivée, le passage du premier obstacle Atlantique, l'anticyclone de St-Hélène, pourrait brouiller les cartes. Comme disent les marins, « on sait où l'on entre dans St-Hélène mais on ne sait que rarement par où on en sortira.» Bilou (Jourdain) n'a pas dit son dernier mot et les chances de prendre avantage apparaîtront, tôt ou tard.

Plus loin derrière, Samantha Davies (Roxy) s'est retrouvée à monter dans son mât plus tôt hier. Lors de l'inspection de Roxy, elle s'est aperçue de l'usure avancée des cordages lui servant à prendre ou enlever des ris (augmenter ou diminuer la surface de la grand-voile). Elle n'a donc pas eu le choix de faire une escapade en mode alpiniste et de monter à 20 mètres dans le mât, bateau sous pilote automatique, afin de faire la réparation. Disons seulement que ce n'est pas le moment préféré des marins. En effet, les skippers ne sont-ils en pas des amateurs d'eau et non d'air?!

Raphaël Dinelli (Océan Vital), qui fait son tour du monde sans utilisation de combustibles fossiles, vivait depuis plusieurs jours avec des problèmes d'alimentation par ses panneaux solaires, à la suite de dommages causés par les tempêtes qui se succèdent sans arrêt en queue de flotte. Le marin était inquiet et songeait à un mouillage pour réparation, mais voilà qu'il a réussi à faire la majeure partie du boulot et l'ensemble du système fonctionne maintenant à 83 % de capacité, ce qui est suffisant pour poursuivre la route. Ceci permet à Dinelli de poursuivre sa route près de Norbert Sedlacek (Nauticsport) à l'aube de leur traversée du Pacifique. Dinelli admet se sentir beaucoup plus en sécurité avec un autre marin pas trop loin, lui qui avait failli perdre la vie par hypothermie à la suite de son célèbre chavirage lors de l'édition 1996. Il avait alors été sauvé in extremis par l'Anglais Peter Goss qui avait dû se coucher nu en corps à corps avec Dinelli pendant près de 24 heures afin que le marin retrouve une température corporelle normale.

C'est le soixantième jour de course aujourd'hui. Des 30 bateaux au départ des Sables d'Olonne le 9 novembre dernier, il en reste seulement 12 en course. Mais quelle aventure que ce Vendée Globe!

Les positions à 11h TU + retard sur le 1er (milles nautiques)

1- Michel Desjoyeaux-FRA (Foncia), 2- Roland Jourdain-FRA (Veolia Environnement), 104

3- Armel Le Cléac'h-FRA (Brit Air), 752 (Provisoire suite à un détournement d'urgence)

4- Samantha Davies-GB (Roxy), 1926 (32 heures seront à retrancher de son parcours)

5- Marc Guillemot-FRA (Safran), 2308 (82 heures seront à retrancher de son parcours)

6- Brian Thompson-GB (Team Pindar), 2931

7- Arnaud Boissières-FR (Akena Verandas), 3136

8- Dee Caffari-GB (Aviva), 3155

9- Steve White-GB (Toe in Water), 4124

10- Rich Wilson-USA (Great American), 4949

11- Norbert Sedlacek-AUT (Nauticsport), 6091

12- Raphaël Dinelli-FRA (Océan Vital), 6330

13- Vincent Riou-FRA (PRB), Abandon, Démâtage suite à une intervention d'urgence

14- Jean Le Cam-FRA (VM Matériaux), idem, chavirage au sud du Cap Horn

15- Jonny Malbon-GB (Artemis), idem, Problème de grand-voile

16- Jean-Pierre Dick-FRA (Paprec-Virbac), idem, safran bâbord arraché

17- Sébastien Josse -FRA (BT), idem, Safran cassé

18- Derek Hatfield-CAN (Spirit of Canada), Idem, Barres de flèche cassées

19- Yann Eliès-FRA (Generali), Idem, Fracture à la jambe 20-Jean-Baptiste Dejeantly-FRA (Maisonneuve), idem, multiples problèmes d'usure

21- Mike Golding-GB (Ecover), idem, Dématâge

22- Bernard Stamm-SUI (Cheminée Poujoulat), idem, Échouage

23- Dominique Wavre-SUI (Temenos), idem Ennuis de quille

24- Loïc Peyron-FRA (Gitana Eighty), idem, Démâtage

25- Una Basurko-ESP (Pakea Bizkaia), idem, Bris au puits de safran tribord

26- Jérémie Beyou-FRA (Delta Dore), idem, Barres de flèches cassées

27- Alex Thompson-GB (Hugo Boss), idem, Dommages structurels

28- Kito de Pavent-FRA (Groupe Bel), idem, Démâtage

29- Marc Thiercelin-FRA (DCNS), idem, Démâtage

30- Yannick Bestaven-FRA (Aquarelle.com), idem, Démâtage