Comme prévu, l'arrivée du cap Horn se fait à la dure avec un océan Pacifique qui persiste à montrer les dents. Le podium provisoire se fait sérieusement secouer depuis hier alors que tous se demandent si les conditions météo au virage du cap Horn ouvriront enfin le jeu stratégique.

Les trois premiers se prennent tout un coup vent depuis les 24 dernières heures. Quand un marin de la trempe de Jean Le Cam (VM Matériaux), qui cumule plus de 30 ans d'expérience en mer, ne trouve plus les mots pour décrire les conditions et exprimer son bonheur à voir le temps se calmer, force est d'admettre que la tempête traversée en est une d'exception.

 

Alors que la peur fait partie de beaucoup de sports où elle se manifeste en épisodes de frayeur de courte durée, la voile en conditions extrêmes en procure sur de longues périodes.

 

Imaginez-vous à 2000 km de la côte, incapable d'apercevoir l'horizon à cause de creux de vagues de dix mètres qui viennent dans tous les sens dans une mer désordonnée et infernale. Ajoutez le bruit totalement invivable du vent à plus de 100 km/h et des vagues qui frappent le bateau et donnent l'impression qu'à tout moment la coque va s'ouvrir en deux. Vous êtes incapable de marcher sur le pont du bateau autrement qu'avec un bras occupé à prendre une prise ferme afin de ne pas vous retrouver par-dessus bord, tandis que l'autre sert à manoeuvrer afin de changer les configurations de voile. Vous êtes en pleine nuit, il fait un noir total, et afin de tenter de dormir à la suite de vingt heures passées debout, vous devez vous sangler à votre lit pour ne pas être projeté à l'intérieur du bateau... Eh bien! Vous êtes à bord avec Jean Le Cam.

 

Le Cam explique :

 

« Les vents sont soutenus en permanence. L'écume est à la limite de décoller, donc il faut que je trouve des eaux plus calmes. Peut-être qu'en arrivant vers le cap Horn, on aura des vents plus faibles, mais pour l'instant, c'est vraiment usant. Il n'y a vraiment pas de répit, c'est coup de vent sur coup de vent et celui-là est majeur. La mer n'est vraiment pas très conviviale... Je vois que devant Roland Jourdain a empanné, tandis que Michel Desjoyeaux n'a pas une bonne mer non plus. C'est la pire, vraiment la pire, que j'ai vécu dans le sud et qu'est-ce que c'est bon quand ça s'arrête. »

 

Vidéo: Jean Le Cam dans un coucher de soleil à 45 noeuds, heureux que la tempête cesse  <http://www.vendeeglobe.org/fr/mediatheque/videos/play/774/>

 

Alors que Michel Desjoyeaux (Foncia) et Roland Jourdain (Veolia) gardent le pied au plancher dans les conditions les plus extrêmes rencontrées depuis le début de la course, la tempête se calme pour les trois poursuivants derrière eux. Vincent Riou (PRB) et Armel Le Cléac'h (Brit Air) sont moins touchés que prévu et bénéficient finalement de conditions à peu près parfaites en mode Grand sud avec vent constant de 30 à 35 noeuds qui permettent des allures au portant maximisant la vitesse. Riou, à 650 milles derrière le meneur, explique :

 

« Il fait beau, la mer est un peu agitée et nous n'avons pas subi le gros coup de vent des trois amis devant. J'ai 30 noeuds de vent depuis 24 heures. La nuit était belle, l'air était sec et on voyait même les étoiles. Ça fait deux à trois jours que ça commence à être sympa. Je vais bientôt quitter le Pacifique. La dernière fois que j'ai passé le cap Horn, c'était extraordinaire, je l'ai approché par les îles. Comme première expérience, c'était sympa. Mais je ne sais pas encore comment je vais naviguer après, car les modèles météo évoluent sans cesse. J'ai des petites bricoles à droite ou à gauche, mais rien qui m'empêche d'avoir un bateau performant pour remonter l'Atlantique. De mon côté, je n'ai que 36h de retard et je persiste à dire que c'est loin d'être terminé. »

Pour les skippers, la navigation du Pacifique n'a permis aucune approche météo stratégique en raison du positionnement des portes de sécurité qu'ils ont dû aborder à la manière d'un escalier. Le phénomène en a réduit les marins à des trajectoires simples de porte en porte et finalement le Pacifique n'aura été que routage en ligne droite, gros temps et vitesse. Une fois le virage du cap Horn effectué, tout change.

 

Il n'y a pas de passage obligatoire à la remontée de l'Atlantique. C'est donc la puissance et l'état des bateaux combinés aux talents des skippers à lire les modèles météo qui font la différence. Trois grandes régions de l'Atlantique seront à surveiller : l'anticyclone de St-Hélène qui a tant fait rager les marins à la descente, le Pot au Noir qui est pratiquement un coup de dé et finalement l'anticyclone des Açores qui parfois se montre capricieux.

 

Je doute toujours de voir une grande remontée, mais même si les chances sont minces de voir Vincent Riou ou Armel Le Cléac'h reprendre presque 700 milles nautiques de retard (1300 km), eux vous diraient que c'est encore jouable. Jean Le Cam à 400 milles derrière le duo de tête prendra des risques et il n'a pas dit son dernier mot j'en suis certain. Il souhaite trop cette victoire pour ne rien tenter.

 

Ce que nous ignorons, mais qui fait surface dernièrement dans les conversations avec Desjoyeaux et Jourdain, ce sont les problèmes techniques qui sont apparus au cours de la traversée de l'Indien et du Pacifique. Bien qu'ils ne précisent pas la nature des problèmes, le duo à l'avant ne cache pas que le virage du cap Horn permettra de s'y attarder et de réparer. C'est fort probablement la même chose pour les trois amis qui les poursuivent. Lorsque l'on sait qu'un bateau avec des ennuis techniques peut ne laisser rien paraître dans des allures au portant comme ce fut le cas dans le dernier mois, c'est autre chose lors que l'on navigue au près, avec vent de face. Nous verrons bien sous peu qui a mal et qui va bien.

Les positions à 15:00hrs TU + retard sur le 1er (milles nautiques)

Suivez la position des skippers <http://tracking.vendeeglobe.org/fr/>

 

1- Michel Desjoyeaux-FRA (Foncia), 

2- Roland Jourdain-FRA (Veolia Environnement), 56

3- Jean Le Cam-FRA (VM Matériaux), 424

4- Armel Le Cléac'h-FRA (Brit Air), 661

5- Vincent Riou-FRA (PRB), 683

6- Samantha Davies-GB (Roxy), 2040 (provisoire, suite à un détournement d'urgence)

7- Marc Guillemot-FRA (Safran),  2230 (provisoire, suite à un détournement d'urgence)

8- Brian Thompson-GB (Team Pindar), 2612

9- Dee Caffari-GB (Aviva), 2833

10- Arnaud Boissières-FR (Akena Verandas), 2869

11- Steve White-GB (Toe in Water), 3635

12- Jonny Malbon-GB (Artemis), 4611

13- Rich Wilson-USA (Great American), 4648

14- Norbert Sedlacek-AUT (Nauticsport),  5681

15- Raphaël Dinelli-FRA (Océan Vital), 5776

16-  Jean-Pierre Dick-FRA (Paprec-Virbac), Abandon, safran bâbord arraché

17- Sébastien Josse -FRA (BT), idem, Safran cassé

18- Derek Hatfield-CAN (Spirit of Canada), Idem, Barres de flèche cassées

19- Yann Eliès-FRA (Generali), Idem, Fracture à la jambe

20-Jean-Baptiste Dejeantly-FRA (Maisonneuve), idem, multiples problèmes d'usure

21- Mike Golding-GB (Ecover), idem, Dématâge

22- Bernard Stamm-SUI (Cheminée Poujoulat), idem, Échouage

23- Dominique Wavre-SUI (Temenos),  idem Ennuis de quille

24- Loïc Peyron-FRA (Gitana Eighty), idem, Démâtage

25- Una Basurko-ESP (Pakea Bizkaia), idem, Bris au puits de safran tribord

26- Jérémie Beyou-FRA (Delta Dore), idem, Barres de flèches cassées

27- Alex Thompson-GB (Hugo Boss), idem, Dommages structurels

28- Kito de Pavent-FRA (Groupe Bel), idem, Démâtage 

29- Marc Thiercelin-FRA (DCNS), idem, Démâtage

30- Yannick Bestaven-FRA (Aquarelle.com), idem, Démâtage