Personne n'aurait pu imaginer un tel scénario. Cette nuit, le Vendée Globe a connu son 21e changement de meneur en 27 jours. Du jamais vu, peu importe l'épreuve au large et encore moins dans les éditions passées du Vendée globe. À noter également que le Canadien Hatfield se rapproche de la 21ème place.

Sébastien Josse (BT) devance Yann Éliés (Generali) par 32 petits milles. Non loin derrière, Loïck Peyron se positionne à 48 milles de Josse et c'est à se demander si le 6/49 n'est pas plus facile à jouer que de prévoir le futur vainqueur de ce tour du monde. Force est d'admettre que chaque journée de ce Vendée 2008/2009 grave de manière unique l'histoire de la course au large.  

Un jour, on se rappellera du départ 2008 dans un golfe de Gascogne si furieux qu'il aura forcé 10 bateaux à faire demi-tour aux Sables d'Olonne, une édition qui a été marquée par quatre abandons à l'intérieur d'un délai de 36 heures dont l'un des grands favoris de la course, Marc Thiercelin, sur DCNS.

 

On se souviendra aussi d'une descente de l'Atlantique avec un Pot au noir somme toute facile (événement rarissime) et d'une flotte qui ne s'est jamais tant éloignée du continent africain afin de contourner un anticyclone de Sainte-Hélène qui aura mis les marins à dure épreuve pendant plus d'une semaine en les forçant à garder un cap plein sud et à s'éloigner de la route directe vers l'Afrique.

 

Durant la même période, blocage anticyclonique oblige, les conditions de mer ont forcé les skippers à naviguer au près (vent pratiquement de face) dans une mer tout à fait « casse-bateau », avec 20 à 25 degrés de gite pendant 10 jours.

 

Cerise sur le gâteau,  la troupe était attendue par un Grand sud qui a offert 40 noeuds de vent et 8 mètres de creux de vagues dès le début de l'aventure australe.

 

En 27 jours, la distance maximale entre le premier et le dixième aura été d'un maximum de 171 milles nautiques et ce, après plus de 8 000 milles (14 800 km) de course.

 

Difficile de trouver les mots pour catégoriser le phénomène actuel.

 

Parlant d'événement rarissime, il est à noter que le groupe de tête, composé de 10 bateaux passera à 11 sous peu et les chances que le groupe de tête devienne encore plus dense sont fortes.

 

Dominique Wavre (Temenos), ce Suisse toujours calme et vétéran du Vendée Globe (troisième participation), n'est plus maintenant qu'à 220 milles du meneur. Bernard Stamm (Cheminée Poujoulat), qui était bon dernier dans les premiers jours de la course à la suite, lui aussi, d'un retour au départ pour cause d'avarie, est maintenant 15e avec 558 milles de retard et remonte le classement de manière très agressive.

 

Pas encore convaincu que cette course est hors du commun?

 

Au  virage du cap Horn en 2000/2001, les trois concurrents de tête étaient à l'intérieur de 1000 milles nautiques!

 

Le meneur et futur gagnant de l'épreuve, Michel Desjoyeaux, à l'époque sur PRB (le même bateau qui fera gagner Vincent Riou en 2005 et qui fait glisser Samantha Davies sur Roxy cette année), avait 602 milles d'avance sur Ellen Mc Arthur (Kingfisher) et pratiquement 1000 sur Roland Jourdain (Sill).

 

En parlant de Michel Desjoyeaux, ce cartésien puriste de la voile, résilient comme quatre et expert de la course en solitaire, est à faire mentir l'ensemble de ses détracteurs. Au jour 4 de l'édition actuelle, soit le 13 novembre, Desjoyeaux est à 665 milles de la tête après avoir dû rebrousser chemin après un ennui de ballast.

 

À ce moment-là, on écrivait :

 

« Desjoyeaux, déjà vainqueur de l'épreuve en 2000/2001, a beaucoup de ressources et d'expérience et comme à certains moments lors de courses en mer, il faut parfois attendre son heure! Le groupe de tête n'a qu'à bien se tenir, car il devrait à un moment ou à un autre remonter le peloton. »

 

L'ami Mich, comme l'appellent ses confrères, est maintenant 9e avec 102 milles de retard sur Josse...

 

L'anecdote suivante vous en dira beaucoup sur le bonhomme. Mers du Grand sud, 1er janvier 2001. Alors que tous les skippers en course offrent leurs meilleurs voeux de nouvelle année à leurs familles et équipes, Michel Desjoyeaux est quant à lui tout en rage et en larmes.

 

Il vient de constater que le démarreur de son moteur diésel, nécessaire pour recharger les batteries générant l'électricité aux instruments de bord servant à la navigation, est grillé. Les paroles de Desjoyeaux à ce moment précis resteront un des plus grands moments historiques du Vendée Globe :

 

Totalement dégoûté et triste de colère, il expliquait : « Non, mais merde, on m'aurait dit avant le départ que j'allais perdre un Vendée sur un démarreur, que j'aurais répondu impossible, ça ne casse jamais un démarreur. »

 

C'étaient alors des heures extrêmement difficiles pour le marin. Destiné à l'abandon, il ne se résigna pas et tenta le tout pour le tout. Il passa une drisse (corde) qu'il enroula autour de la poulie de démarrage du moteur au lieu de la courroie normalement en place. Il passa des mètres et des mètres de cette drisse dans le bateau en la fixant à certains endroits avec des poulies et fixa le tout à sa queue de bôme sur le pont.

 

Desjoyeaux repassa une deuxième drisse, celle-ci attachée de l'écoute de la bôme jusqu'à côté du moteur. Il tira sur la deuxième drisse qui relâcha la bôme et fit en sorte de créer un faux empannage qui, du même coup, sous la force du vent, tira sur la première drisse reliée au moteur. Celui-ci démarra du premier coup.

 

Desjoyeaux fut dès lors en selle, système D pour « Desjoyeaux Démerde toi avec ton Démarreur », expliquera-t-il par la suite.

 

Un mois plus tard, il entra dans la légende comme le vainqueur du quatrième Vendée Globe de l'histoire.

 

Aucun marin n'a gagné le Globe deux fois. Le bonhomme est réellement à surveiller de près.

 

Je vous le jure.

 

Les positions + retard sur le 1er (milles nautiques)

1- Sébastien Josse -FRÀ (BT)

2- Yann Eliès-FRÀ (Generali), 32

3- Loïc Peyron-FRÀ (Gitana Eighty), 48

4- Jean-Pierre Dick-FRÀ (Paprec-Virbac), 55

5- Roland Jourdain-FRÀ (Veolia Environnement), 61

6- Jean Le Cam-FRÀ (VM Matériaux), 77

7- Vincent Riou-FRÀ (PRB), 81

8- Mike Golding-GB (Ecover), 92

9- Michel Desjoyeaux-FRÀ (Foncia), 102

10- Armel Le Cléac'h-FRÀ (Brit Air), 104

11- Marc Guillemot-FRÀ (Safran), 180

12- Dominique Wavre-SUI (Temenos),  216

13- Brian Thompson-GB (Team Pindar), 414

14- Samantha Davies-GB (Roxy), 484

15- Bernard Stamm-SUI (Cheminée Poujoulat), 557

16- Dee Caffari-GB (Aviva), 631

17- Arnaud Boissières-FR (Akena Verandas), 654

18- Steve White-GB (Toe in Water), 687

19- Jonny Malbon-GB (Artemis), 786

20- Rich Wilson-USÀ (Great American), 929

21- Jean-Baptiste Dejeantly-FRÀ (Maisonneuve), 1283

22- Derek Hatfield-CAN (Spirit of Canada), 1309

23- Una Basurko-ESP (Pakea Bizkaia), 1498

24- Raphaël Dinelli-FRÀ (Océan Vital), 1570

25- Norbert Sedlacek-AUT (Nauticsport),  1607

26- Jérémie Beyou-FRÀ (Delta Dore), Abandon, barre de flèche cassée

27- Alex Thompson-GB (Hugo Boss), idem, dommages structurels

28- Kito de Pavent-FRÀ (Groupe Bel), idem, Démâtage  

29- Marc Thiercelin-FRÀ (DCNS), idem, Démâtage

30- Yannick Bestaven-FRÀ (Aquarelle.com), idem, Démâtage