Une navigation de l'équateur jusqu'au sud du Tropique du Capricorne au près (vent de face), neuf leaders à l'intérieur de 57 milles nautiques à l'avant et un anticyclone de Sainte-Hélène qui forme un mur empêchant de tourner à gauche : voilà un Vendée Globe absolument passionnant, avec en plus un changement en tête de course!

De mémoire de Vendée Globe, jamais nous n'aurons vu une telle situation. Même s'il reste plus de 2 mois de course, le scénario en place est tout à fait rarissime et des plus électrisants. De coutume, la navigation vers le cap de Bonne Espérance se fait au portant (vent d'arrière) sinon à tous le moins au travers (vent perpendiculaire au bateau) dans des grands surfs agréables avec un cap oblique vers l'Afrique.

Ajoutez qu'historiquement, à cette étape de la course, les meneurs sont habituellement trois ou quatre bateaux séparés avec des distances moyennes de 60 ou 70 miles nautiques les uns des autres et vous pouvez comprendre l'ampleur du suspense qui se joue présentement.

Après avoir connu des conditions de mer très difficiles, des eaux plus calmes attendaient les skippers au cours des dernières heures dans des conditions de vents assez instables créés par des grains (cellules de pluie, parfois orageuse) qui arrivent un peu de nulle part et qui sont accompagnés de mous à leurs côtés, dans le genre du calme avant l'orage.

Conséquence de ces conditions variables, Sébastien Josse (BT) devance maintenant Loïck Peyron (Gitana 80) par 15 milles et avec 9 concurrents si près les uns des autres que rien ne garantit que le classement des prochains 24h ne sera pas un chassé-croisé complètement dingue pour la tête de course.

D'une moyenne de vitesse régulièrement à 14 ou 15 noeuds depuis 48 heures, les meneurs sont passés à une moyenne d'environ 10 noeuds et certains comme Peyron commencent à se faire jouer des tours par ces grains et dévents qui l'ont amené à le ralentir à moins de 5 noeuds plus tôt aujourd'hui.

La tête de flotte qui est encore cap plein sud commence à toucher le bord de l'inébranlable anticyclone en place.

Il était amusant d'entendre les navigateurs évaluer la situation et cacher leur jeu. Pas un marin n'était prêt à se commettre ou à dévoiler sa tactique à savoir quand ils mettraient le clignotant à gauche vers l'Afrique.

Une chose est de plus en plus certaine, Météo France ainsi que les modèles américains sont concordants. L'anticyclone ne se décalera pas de sa position actuelle avant dimanche.

Aux communications radio de ce matin, Bilou (Rolland Jourdain, Veolia Environnement) convenait que la situation actuelle est exceptionnelle et que la lecture de la météo est un réel casse-tête.

Du même souffle, il se disait s'efforcer de rester bien zen avec encore 2 mois de courses à faire.

Zen peut-être, mais un marin de régate demeure avant tout un coureur puisque dans les mêmes paroles il disait avoir remarqué que Jean Le Cam s'était décalé à l'est et Jourdain se posait la question à savoir si son confrère voyait une brèche météo que lui ne voyait pas.

Le Cam n'en serait pas à sa première manoeuvre d'intimidation en course afin de brouiller les cartes. C'est de loin lui qui fait usage du plus de ruse et qui tente les coups les plus audacieux. Souvenez vous qu'au Pot au noir, n'eut été de son problème de pilote qui l'a arrêté 5 heures, il serait aujourd'hui fort probablement leader, voir deuxième à la suite de son routage complètement différent du reste de la flotte.

Vincent Riou (PRB), vainqueur en 2004, reconnu principalement pour ses grands talents techniques (il avait été responsable de la préparation du bateau de Michel Desjoyeaux lors de l'édition de 2000) quant à lui avouait se tenir volontairement en retrait du meneur (il est présentement 4e) afin de regarder la situation météo et ne pas se presser pour jouer ses cartes.

Les derniers jours ont été à son avis certainement les conditions les plus difficiles que les bateaux peuvent endurer et il admettait candidement que sa priorité pour le moment est de maintenir PRB en top forme avec encore 2 mois de course à faire.

Armel Le Cléac'h (Brit Air), maintenant troisième s'avouait très heureux de sa position. Le Cléac'h, 31 ans et deuxième plus jeune skipper de cette édition, en est à son premier Vendée Globe. Son surnom de « Chacal » reflète bien ce diamant brut, hyper talentueux, et démontre que depuis son arrivée sur les régates d'Open 60 qu'il a le caractère pour remporter n'importe quelle épreuve.

« La priorité pour moi présentement est de rester dans le groupe de tête, je me réserve l'attaque quand le moment sera venu », nous indiquait-il ce matin.

Notre Canadien, Derek Hatfield, qui a gagné une place avec l'abandon de Beyou, rejoindra le reste de la flotte dans l'Atlantique Sud à la suite de son passage à l'équateur qui devrait normalement se faire la nuit prochaine.

Hatfield sait pertinemment qu'il n'a plus aucune chance pour un podium après la série d'ennuis techniques qu'il a vécus. Il demeure tout de même serein comme l'indique son courriel de ce matin :

« Mon objectif est maintenant de faire ce tour du monde et d'arriver sain et sauf avec un bateau qui va bien. Je ne perds pas pour autant mon âme de compétiteur, mais je me fixe des objectifs à court terme. »

Petite observation concernant la performance des nouveaux bateaux conçus pour cette édition du Vendée Globe.

Samantha Davies (Roxy) navigue en fait sur l'ancien PRB de Michel Desjoyeaux (vainqueur en 2000) et qui a aussi servi à Vincent Riou afin de gagner l'édition 2004.

Excellente navigatrice, gagnante du Trophée Jules Verne en 1997/98 remis aux membres de l'équipage le plus rapide sur un tour du monde, Sam est présentement 13e avec 276 milles de retard... bref 6% de différence en performance avec le meneur dans des conditions météo semblables, c'est quand même significatif en rapport avec les avancées technologiques.

Attendez-vous à voir un classement tout à fait chamboulé demain et oubliez-moi pour les prédictions !

Les positions + retard sur le 1er (milles nautiques)

1- Sébastien Josse -FRA (BT),

2- Loïc Peyron-FRA (Gitana Eighty), 15.3

3- Armel Le Cléac'h-FRA (Brit Air), 20.3

4- Vincent Riou-FRA (PRB), 26.7

5- Jean-Pierre Dick-FRA (Paprec-Virbac), 30.2

6- Roland Jourdain-FRA (Veolia Environnement), 35.8

7- Yann Eliès-FRA (Generali), 39.9

8- Mike Golding-GB (Ecover), 57.4

9- Jean Le Cam-FRA (VM Matériaux), non-localisé

10- Marc Guillemot-FRA (Safran), 157.7

11- Brian Thompson-GB (Team Pindar), 222.4

12- Dominique Wavre-SUI (Temenos), 234.4

13- Samantha Davies-GB (Roxy), 276.7

14- Michel Desjoyeaux-FRA (Foncia), 353.6

15- Dee Caffari-GB (Aviva), 463.0

16- Arnaud Boissières-FR (Akena Verandas), 534.1

17- Steve White-GB (Toe in Water), 733.3

18- Jonny Malbon-GB (Artemis), 826.9

19- Una Basurko-ESP (Pakea Bizkaia), 854.4

20- Rich Wilson-USA (Great American), 921.7

21- Raphaël Dinelli-FRA (Océan Vital), 956.4

22- Bernard Stamm-SUI (Cheminée Poujoulat), 1016.7

23- Norbert Sedlacek-AUT (Nauticsport), 1311.8

24- Derek Hatfield-CAN (Spirit of Canada), 1521.8

25- Jean-Baptiste Dejeantly-FRA (Maisonneuve), 1563.6

26- Jérémie Beyou-FRA (Delta Dore), Abandon

27- Alex Thompson-GB (Hugo Boss), Idem

28- Kito de Pavent-FRA (Groupe Bel), idem

29- Marc Thiercelin-FRA (DCNS), idem

30- Yannick Bestaven-FRA (Aquarelle.com), idem