Jamais, de mémoire de Vendée Globe, on n'aura vu ça ! Passer à une centaine de milles de l'île de Trinidad, dans le sud-est du Brésil, toujours au près à des vitesses qui grimpent parfois à plus de 18 noeuds : le programme est assez musclé et c'est l'Afrique qui s'éloigne au lieu de se rapprocher!

Le Vendée Globe 2008/2009 devient de plus en plus sportif et fait naviguer les compagnons carrément de l'autre côté de l'Atlantique. Les vents sont très variables et arrivent depuis la nuit dernière fréquemment sous forme de rafales avec une mer bien formée dans des creux de vagues de 2 à 3 mètres.Les voilà donc dans des conditions très difficiles pour l'équipement.

C'est aux trente secondes que la houle frappe le bateau directement de l'avant avec un choc parfois violent, donc près de 3000 fois par 24 heures. Les skippers sont régulièrement sur le pont afin d'ajuster la voilure et pour s'assurer un maximum de vitesse, tout en respectant leur monture et pour la garder en état de bonne navigation.

Ajoutez à ces conditions une gite constante sur tribord (à droite), des séances de table à carte météo afin de tenter d'interpréter un anticyclone de Sainte-Hélène qui refuse tout compromis et qui force toujours les marins à faire un cap plein sud et des « nuits » d'un maximum de 60 minutes.

Bref, hormis la pleine tempête, voilà certaines des conditions les plus difficiles à vivre pour les solitaires en course.

Dee Caffari (Aviva), une des deux femmes en course, résumait très bien la situation ce matin:

« Ce n'est pas ce que promettait la brochure!, dit-elle. Je me suis fait avoir! Je suis sur un bateau qui n'aime vraiment pas ces conditions. Ces 60 pieds Open sont très bruyants au près. On m'a vendu une super descente au portant et voilà que je me retrouve au près ! C'est très inconfortable et très humide sur le pont. Les vagues sont courtes et dures et tout grince quand le bateau retombe. La tension sur le bateau se retrouve tout entière sur un côté, mais il n'y a aucun moyen de changer quoi que ce soit parce que l'autre bord serait atroce. Je passe mon temps à régler les voiles, à remplir ou vider les ballasts, à prendre des ris (dispositif servant à réduire la surface d'une voile), à regarder la météo, à faire mes courriels ou à vérifier le bateau. Ça me paraît dingue qu'il y ait tant à faire! Le vent varie actuellement de 10 à 40 noeuds! Ça use parce que tu veux que le bateau se remette à plat. Tu veux pouvoir marcher sans avoir à t'agripper partout et aller aux toilettes comme une personne normale! »

Le classement ne change pas et la guerre des nerfs se poursuit.

Loïck Peyron (Gitana 80) mène toujours avec maintenant seulement 13 milles nautiques d'avance sur Sébastien Josse (BT) et 43 milles sur Armel le Cléac'h (Brit Air). Il démontre toujours qu'avec plus de 30 ans de course au large, il a appris à gérer cette pression.

Psychologiquement, être en tête n'est pas forcément reposant et soyez assuré qu'à la moindre erreur de la part de Peyron, la meute derrière n'en fera qu'une bouchée.

Vincent Riou (PRB), cinquième à 52 milles derrière Peyron, en a eu pour son argent hier.

Sa girouette en tête de mât a rendu l'âme. Pas de girouette, pas d'information sur la direction du vent, il fallait donc absolument réparer. Riou a dès lors passé une petite heure à 30 mètres dans les airs, en tête de mât pour faire la réparation pendant que son bateau était sous pilote automatique...en pleine houle de face...vive l'aventure !

Le Vendée Globe ne se gagnera pas dans l'Atlantique sud mais il peut sûrement coûter à un skipper toutes chances de victoire. Parlez-en à Mike Golding qui, lors de l'édition de 2004, s'était fait totalement largué par un mauvais choix de positionnement sur l'eau et n'avait jamais plus été dans le coup jusqu'à l'arrivée.

La tête de la flotte, donc les 9 premiers bateaux au classement, n'a simplement pas le choix de continuer un cap à 180 plein sud puisque la porte météo leur donnant la possibilité d'orienter le cap vers l'Afrique de manière oblique n'existera pas avant un minimum de 48 heures.

Le danger est là : pendant que les meneurs filent au sud et rallongent leur trajet vers l'Afrique, le groupe des positions 10 à 14 situé entre 215 et 400 milles nautiques pourrait profiter de l'ouverture de cette même porte en coupant plus tôt et tout simplement rejoindre la tête de course.

Le coup à jouer sera stratégique et déterminant.

Si personne ne gagnera la course au sortir de l'Atlantique sud, d'autres auront certainement perdu toutes leurs chances.

Pas de quoi dire, ça jouera dur cette semaine.

Les positions + retard sur le 1er (milles nautiques)

1- Loïc Peyron-FRA (Gitana Eighty)

2- Sébastien Josse -FRA (BT), 13.0

3- Armel Le Cléac'h-FRA (Brit Air), 43.7

4- Jean-Pierre Dick-FRA (Paprec-Virbac), 45.7

5- Vincent Riou-FRA (PRB), 52.1

6- Yann Eliès-FRA (Generali), 67.6

7- Mike Golding-GB (Ecover), 73.7

8- Jean Le Cam-FRA (VM Matériaux), 80.0

9- Roland Jourdain-FRA (Veolia Environnement), 81.8

10- Marc Guillemot-FRA (Safran), 214.3

11- Brian Thompson-GB (Team Pindar), 231.8

12- Dominique Wavre-SUI (Temenos), 253.5

13- Samantha Davies-GB (Roxy), 327.4

14- Michel Desjoyeaux-FRA (Foncia), 429.8

15- Dee Caffari-GB (Aviva), 524.5

16- Arnaud Boissières-FR (Akena Verandas), 575.0

17- Steve White-GB (Toe in Water), 726.5

18- Una Basurko-ESP (Pakea Bizkaia), 744.9

19- Jérémie Beyou-FRA (Delta Dore), 750.8

20- Jonny Malbon-GB (Artemis), 786.1

21- Rich Wilson-USA (Great American), 833.1

22- Raphaël Dinelli-FRA (Océan Vital), 853.7

23- Bernard Stamm-SUI (Cheminée Poujoulat), 1009.9

24- Norbert Sedlacek-AUT (Nauticsport), 1203.3

25- Derek Hatfield-CAN (Spirit of Canada), 1474.6

26- Jean-Baptiste Dejeantly-FRA (Maisonneuve), 1570.0

27- Alex Thompson-GB (Hugo Boss), Abandon

28- Kito de Pavent-FRA (Groupe Bel), idem

29- Marc Thiercelin-FRA (DCNS), idem

30- Yannick Bestaven-FRA (Aquarelle.com), idem