Les intellectuels peuvent se permettre le luxe de professer des idées fausses ou futiles simplement parce qu'ils les trouvent intéressantes. Ce n'est pas le cas des politiciens: lorsque ces derniers se trompent, ils risquent de «ruiner la vie de millions de gens».

Ce constat provient d'un article publié dans le New York Times Magazine le 5 août 2007. Et il est signé par un homme qui a longtemps eu le luxe de soutenir des idées «intéressantes» dans le monde universitaire qui était le sien. Il y a trois ans, il a fait le saut en politique. Il s'agit de Michael Ignatieff.

Dans ce texte, le futur chef libéral admet s'être gravement trompé lorsqu'il a appuyé l'intervention américaine en Irak, en 2003. Il explique avoir alors été motivé par la perspective d'un Irak démocratique, mais ne pas avoir prévu la guerre civile qui suivrait le renversement de Saddam Hussein.

«Les politiciens doivent travailler avec les rares idées qui s'avèrent justes et un nombre encore plus petit d'idées qui s'avèrent réalisables», poursuit-il dans cette réflexion où il analyse les difficultés de sa propre transition du monde universitaire vers la jungle politique.

Lorsqu'il signe ce texte, Michael Ignatieff siège depuis huit mois à la Chambre des communes. Huit mois durant lesquels il a eu l'occasion de voir certaines de ses opinions d'universitaire atterrir avec fracas sur le terrain politique. Dont cet appui à l'assaut militaire contre Bagdad.

Des critiques ont aussi reproché à Michael Ignatieff d'avoir défendu le recours à la torture dans certaines circonstances exceptionnelles. En fait, dans un article publié dans la revue Prospect au printemps 2006, le nouveau député fait valoir que le débat sur la torture n'est pas aussi simple que l'on pense. Et que ceux qui, comme lui, y sont opposés de façon absolue doivent accepter qu'il y a un prix à payer pour ce principe un prix qu'une majorité de leurs semblables risquent de refuser de payer.

Peu de temps avant de se lancer dans la mêlée politique, Michael Ignatieff avait appuyé le projet de bouclier antimissile de George W. Bush devant un groupe de militants libéraux. S'agit-il d'une autre de ces idées fascinantes qui ne résistent pas au test politique? Difficile à dire puisque avec l'arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche, le bouclier antimissile pourrait disparaître de l'écran radar