C'est avec humilité que Stéphane Dion a reconnu hier midi, à l'issue de sa première réunion avec son caucus depuis la défaite de son parti aux élections du 14 octobre, que ses rôles de chef du Parti libéral et de chef de l'opposition officielle avaient changé du tout au tout depuis l'annonce de sa démission prochaine.

M. Dion a en effet admis qu'il n'avait plus la marge de manoeuvre d'un chef bien en selle, maintenant que sa tâche consiste à assurer l'intérim de la direction de son parti d'ici à ce qu'on lui trouve un successeur.

«Bien entendu, a déclaré M. Dion à la sortie de la réunion de son caucus, c'est une démarche différente, mais je suis prêt à l'assumer.» Le chef démissionnaire a d'ailleurs promis à ses troupes qu'il allait désormais travailler de très près avec son aile parlementaire et avec l'exécutif du parti. Il n'est plus question pour lui de prendre seul les décisions importantes.

«Nous allons être une équipe très soudée», a-t-il dit.

Le chef libéral a par ailleurs énoncé clairement que lui et ses élus allaient néanmoins faire leur travail d'opposition officielle aux Communes.

«Nous sommes déterminés à demander des comptes à ce gouvernement conservateur en cette période de difficultés économiques, a-t-il dit aux journalistes. Nous allons également reconstruire le parti, nous assurer d'améliorer notre façon d'amasser des fonds. Nous aurons enfin une course à la direction respectueuse de façon à ce qu'à la fin, nous soyons mieux équipés pour aider le prochain chef.»

À cet égard, certains membres du caucus libéral ont insisté hier pour dire que le choix d'un successeur à M. Dion devait être fait le plus rapidement possible. Le président national du PLC, Doug Ferguson, a cependant refroidi quelque peu les esprits en soulignant que le congrès à la direction ne pourra avoir lieu, selon la Constitution du parti, avant quatre mois au plus tôt et six mois au plus tard. M. Ferguson a précisé que, pour l'instant, le congrès prévu au mois de mai à Vancouver était maintenu. L'exécutif du parti, qui se réunit au début de novembre, pourrait cependant devancer cette date et même changer le lieu de la rencontre.

Certaines inquiétudes n'en sont pas moins vives au sein de l'aile parlementaire du parti au sujet du pouvoir dont jouira Stéphane Dion aux Communes au cours des prochains mois.

La députée réélue de Laval-Les Îles, Raymonde Folco, s'est par exemple déclarée en accord avec la décision de M. Dion de rester jusqu'à l'élection de son successeur, tout en souhaitant un congrès à la direction dans les plus brefs délais.

«Vous savez, aux États-Unis on parle de canard boiteux; c'est un peu ça aussi pour nous, a ajouté Mme Folco. On sait qu'il s'en va. Donc, il va être difficile pour lui d'émettre quelque opinion que ce soit, en particulier de se prononcer sur la législation qui va être avancée par les conservateurs. (...) Donc, ça lui enlève un certain pouvoir, c'est clair.»

Mme Folco estime néanmoins que le maintien temporaire de Stéphane Dion à la tête du parti ne saurait affaiblir davantage le Parti libéral. «Le parti est déjà faible», a-t-elle lancé.

M. Dion a affirmé qu'il n'avait pas senti, lors de sa rencontre d'hier, que ses députés le considéraient comme un canard boiteux. «Nous sommes tous très unis, très déterminés, inspirés par les députés perdants qui ont fait de très belles déclarations et inspirés par les nouveaux venus aussi», a-t-il dit.

Le chef libéral a conclu qu'il n'avait constaté aucun défaitisme au sein de ses troupes, hier matin, et que son parti a un rôle capital à jouer en tant qu'opposition officielle et qu'il le jouera, fort de l'expérience acquise au cours des deux dernières années.