«Méconnaissance» de la maladie. «Malaise.» «Inconfort.» «Discrimination.» Il y a beaucoup de chemin à faire pour bien intégrer les personnes atteintes du VIH dans le monde du travail, conclut la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida d'un sondage que l'organisme a commandé.

Plus de quatre répondants sur dix affirment qu'ils seraient inquiets d'apprendre qu'un collègue vit avec le VIH. Ils sont ensuite 16% à dire qu'ils partageraient cette information avec d'autres gens de leur milieu de travail.

«Depuis des années, on voit une banalisation du sida, indique Ken Monteith, directeur général de COCQ-Sida. Paradoxalement, quand c'est proche de nous, on panique. Le VIH a évolué depuis 25 ans. Ce n'est plus une sentence de mort. Les gens peuvent espérer atteindre la même espérance de vie que tout le monde.» Si 76% des répondants du sondage disent être capables de faire la distinction entre le VIH et le sida, la moitié échoue quand vient le temps de choisir le bon énoncé.

Pour le sondage en question, la firme Axiome Marketing a mené une entrevue téléphonique auprès de 1054 personnes (marge d'erreur de 3,02%). Elle a aussi fait remplir un questionnaire en ligne à 111 dirigeants d'entreprise (marge d'erreur de 9,3%).

Près de 65% de ces patrons disent éprouver un malaise envers les personnes atteintes du VIH/sida, même que 38% éviteraient leur embauche. Ils appréhendent notamment une baisse de productivité et de l'absentéisme.

Sur le plan des assurances collectives, non seulement le coût des cotisations préoccupe les dirigeants d'entreprise, 45% déclarent être au courant de certaines réclamations faites par certaines personnes. Dans 24% des cas, ils savent même quels employés prennent des médicaments. En d'autres mots : «La notion de confidentialité connaît de forts ratés», résume le COCQ-Sida.

«Les résultat du sondage correspondent à la réalité», assure Me Stéphanie Claivaz-Loranger, coordonnatrice du programme Droits de la personne à la Coalition.

L'avocate travaille à la création d'un comité multisectoriel qui regroupera des personnes de l'Institut national de santé publique, des ministères du Travail et des Finances, mais aussi de la Commission des droits de la personne et de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes.

«Nous avons eu une rencontre exploratoire au printemps et une autre rencontre est prévue cet hiver. Les travaux devraient commencer à ce moment-là, précise-t-elle. Les personnes atteintes du VIH/sida représentent une force de travail dont le Québec ne peut se passer.» Cas vécus L'attitude des gens à l'égard d'un collègue qui a le VIH/sida est plus négative que celle exprimée envers ceux qui ont une autre maladie chronique, souligne également le sondage.

S'ils apprenaient demain matin qu'un collègue est séropositif, près de la moitié des répondants pensent qu'il serait rejeté ou qu'il ferait l'objet de rumeurs.

En conférence de presse, Me Claivaz-Loranger a raconté le cas d'une femme qui travaillait dans le domaine de l'alimentation depuis plusieurs années.

Un jour, elle a confié à un collègue qu'elle était séropositive. Il a mal réagi, au point d'en parler au reste de l'équipe. Le patron a alors demandé à la femme une lettre d'un médecin prouvant que la manipulation d'aliments ne comporterait aucun risque de transmission du VIH. «Cette femme n'a pas voulu retourner dans son milieu de travail, qui lui était devenu insupportable», raconte l'avocate.

Des histoires comme celle-là, sa collègue Maude Perras en entend tous les jours. L'avocate travaille au service d'aide VIH info droits. «Souvent, je reçois des gens dont l'entrevue s'est bien passée, mais ils ont un formulaire à remplir.» Or, un employeur n'a pas le droit de faire remplir un formulaire de santé, sauf si c'est justifié par des «exigences professionnelles», explique-t-elle.

Mais comme le souligne Me Perras, «si on dit à l'employeur que ce n'est pas légal, soit il pensera qu'on a quelque chose à cacher ou qu'on est un fauteur de troubles».

D'où l'importance des travaux du futur comité multisectoriel. «Il faut sensibiliser les employeurs. Il y en a qui ne le sont pas», conclut-elle.