Ils proviennent de différents horizons. Ils militent, bâtissent, cherchent, creusent. Ils influencent élus, décideurs, citoyens. Même s'ils divergent souvent d'opinions, qu'ils sont parfois à couteaux tirés, les membres du groupe qui a reçu le mandat de choisir dix projets pour La Presse ont un point en commun: l'amour de leur métropole. De Montréal.

Après avoir relevé le défi de les réunir à la même table, La Presse a remis à chaque membre du jury d'experts une pile de propositions. Ils ont eu l'été pour lire, éplucher, analyser, peser le pour et le contre, et nous revenir avec 10 grandes idées en tête. Puis ils ont débattu leurs choix de façon conviviale, constructive et animée, avant d'en parvenir à un consensus.Gilles Sénécal, reconnu pour ses travaux de recherche en urbanisation à l'INRS, a vite remarqué que les citoyens avaient un désir puissant de «landmark» pour Montréal. «Les gens veulent une ville viable», a-t-il lancé aux autres membres du jury, avant de donner ses préférences pour les projets touchant les déplacements à pied, à vélo ou en auto.

«J'ai remarqué trois grandes tendances, a expliqué M. Sénécal. Ceux qui se sont demandé ce qui donne une image à Montréal, comme la tour Eiffel à Paris ou la tour du CN, à Toronto. Ensuite, j'ai noté un intérêt marqué autour de la mobilité et du transport. Troisièmement, les lecteurs ont un désir de projets structurants, comme celui sur l'électricité ou celui du recouvrement de l'axe métropolitain.»

André Poulin, directeur général de Destination centre-ville, société commerciale représentant 8000 membres, a déjà hâte de voir comment les candidats à la mairie de Montréal sauront relever le défi et porter les projets durant la campagne électorale. Il a eu une nette préférence pour l'idée d'un marché public sous le pont Jacques-Cartier.

«Les gens rêvent, oui, mais de façon très terre à terre, a indiqué M. Poulin. Il n'y a rien dans ces projets qui va nous rendre riches, c'est-à-dire générer d'importantes retombées économiques», a-t-il fait remarquer.

Associé principal chez Daniel Arbour et Associés, firme-conseil en aménagement urbain, Claude Marcotte abonde dans le sens du directeur de Destination centre-ville. Il a pour sa part craqué pour l'idée de Mme Leduc : créer des places publiques avec fontaines.

«Je n'ai pas été déçu, mais je dois dire que j'ai été surpris de constater dans les propositions qu'il n'y avait pas de grandes idées, a dit M. Marcotte. Comme si les gens avaient arrêté de rêver. J'ai particulièrement apprécié le désir des gens de se réapproprier le fleuve. Il y a une grande faisabilité là-dedans.»

L'éminence grise!

À la tête des Amis de la montagne, Sylvie Guilbault est emballée à l'idée de pouvoir ouvrir le fleuve à la baignade, avec une plage au quai Jacques-Cartier. Du kayak, de la plongée sous-marine. Sans oublier le projet au bassin Peel.

«Les gens ont misé sur les atouts de Montréal. Montréal a sa montagne, c'est déjà un joyau, les gens se sont donc tournés vers le fleuve. J'ai remarqué une grande volonté de mise en valeur de notre ville insulaire. Les propositions tournaient beaucoup autour de nos acquis.»

Ce qui a frappé Mme Guilbault, par ailleurs, c'est «l'homogénéité» du jury, dont elle a fait partie. «Sans dire que nous sommes un groupe de têtes grises, je dirais que nous avons formé un jury réaliste, mature, expérimenté. Les choix auraient peut-être été différents avec un jury plus jeune.»

André Bourassa, président de l'Ordre des architectes du Québec, a lui aussi eu un coup de coeur pour la «réappropriation des accès à l'eau». Il a également eu un faible pour «Montréal électrique», une idée de Rémi Lacoste.

«Il y avait plusieurs bonnes idées, a-t-il dit. Mais pas de projets pour le grand Montréal. Beaucoup de projets portaient sur le "bien-être" aussi. Ce n'est pas un défaut en soi, mais la proportion de projets orientés sur le "moi" m'a un peu étonné. Cela dit, il y avait plein de bonnes idées: du cyclable aux fontaines, en passant par les marchés et les patinoires.»