En neuf ans, Firmino Tavares et Miguel Torres auraient déversé «au moins 60 tonnes» de cocaïne à Montréal et New York.

Les policiers ont frappé fort, hier, en arrêtant Firmino Tavares et Miguel Torres, qui sont présumés être deux des plus gros trafiquants au Canada. En neuf ans, de 1996 à 2004, ils auraient déversé «au moins 60 tonnes» de cocaïne à Montréal et New York. Le premier alimentait les Hells Angels, pendant que l'autre était associé à la mafia.«C'est immense comme trafic», s'est exclamé l'inspecteur Michel Arcand, lors d'une conférence de presse tenue au quartier général de la GRC, à Montréal. Selon lui, c'est un trafiquant colombien de haut niveau qui a dénoncé les deux narcotrafiquants. Recruté par l'agence antidrogue américaine (DEA), le précieux «canari» a également compromis Giovanni Somma, 40 ans, décrit comme un associé des Hells Angels de Sherbrooke, et Gerardo Hurtado, 45 ans, en lien avec le cartel de Cali.

Les prévenus ont comparu dès hier en Cour du Québec, à Montréal. Ils font face à divers chefs d'accusation liés à la contrebande de cocaïne et au gangstérisme. Les policiers ont pu aisément retracer Somma et Hurtado, déjà emprisonnés pour des affaires de drogue. Le premier était dans une maison de transition, tandis qu'Hurtado purge depuis 2005 une peine de 10 ans de pénitencier pour avoir vendu des cargaisons de cocaïne au caïd Raymond Desfossés, du gang de l'Ouest.

À en croire la dénonciation déposée devant le tribunal, les trafiquants montréalais étaient branchés sur le «clan des Twins», basé à Cali, en Colombie. Même s'ils ne sont pas formellement accusés, les célèbres frères Miguel Angel et Victor Manuel Mejia Munera y apparaissent comme comploteurs, ainsi que six autres membres de leur organisation. Les «Twins», comme on les appelle, expédient de la cocaïne en Amérique depuis plus de 25 ans, sans jamais avoir été inquiétés.

D'après la GRC, la cocaïne colombienne transitait par le Mexique avant d'atteindre Houston, aux États-Unis. Firmino Tavares et Miguel Torres s'arrangeaient ensuite pour la faire entrer au Canada par camions. «Ils étaient indépendants l'un de l'autre. Leur seul point commun, c'est qu'ils avaient les mêmes fournisseurs colombiens», a souligné l'inspecteur Arcand. Ils avaient aussi chacun leur clientèle, «et Giovanni Somma aurait contribué dans la commission des crimes», a-t-il dit, en faisant allusion aux Hells Angels et à la mafia montréalaise.

Compte tenu des énormes quantités de drogue en jeu et de l'étendue des deux organisations, l'inspecteur Arcand est d'avis que la distribution de la cocaïne ne se faisait pas qu'à Montréal, mais aussi ailleurs au Canada. La preuve colligée dans le projet Caverne a démontré que Tavares et Torres ont fait entrer 2154 kilos de poudre blanche, entre septembre et novembre 2003. Durant la même période, des camionneurs payés par Torres en auraient aussi livré 2294 kilos à New York, depuis Houston, au Texas. Tavares et Torres touchaient 1000$ pour chaque kilo de cocaïne arrivé à bon port.

Quand les policiers ont frappé à la porte de sa luxueuse résidence de Dollard-des-Ormeaux, Firmino Tavares, 51 ans, a failli s'évanouir. Il a dû être soigné par des ambulanciers, avant d'être emmené menottes aux poignets au poste de police. Arrivé du Portugal avec sa famille en 1971, Tavares est dans la ligne de mire de la GRC depuis les années 80. Arrêté à quelques reprises à cette époque, il s'en est toujours tiré jusqu'à ce qu'il soit arrêté en 1997 dans l'île de Majorque, en Espagne, en marge d'une affaire de blanchiment d'argent de 120 millions de dollars. Outre une peine de 5 ans de prison - il a purgé une année - il s'est fait confisquer des biens évalués à 10 millions, dont une superbe villa donnant sur la Méditerranée. Ici même, il a dû remettre plus d'un million en impôts impayés. Il est rentré à Montréal en 2001.

Quant à Miguel Torres, il est dans la ligne de mire des policiers depuis le début des années 90. Son nom a notamment été mentionné dans la fameuse enquête Colisée. Initialement destinée à contrer les opérations de blanchiment d'argent de la mafia montréalaise, cette opération a décimé les rangs du clan Rizzuto, en commençant par son parrain Nicolo, en attente de procès depuis novembre 2006. Âgé de 32 ans, Torres travaille dans l'ombre du fils de Vito Rizzuto, Nicolo, incarcéré depuis 2001. Il se dit promoteur immobilier et vit dans une somptueuse maison évaluée à 914 766$ dans le domaine Fontainebleau, à Blainville.

«J'en reviens pas. Il n'y a pas meilleur gars que lui et sa femme. Il a deux jeunes enfants et il m'a toujours dit qu'il était en affaires. Chaque fois que je le voyais avec des individus à l'allure louche, il me répondait qu'ils étaient de simples connaissances. Il disait se tenir loin des trafiquants de drogue, car ils finissent tous en prison», a raconté un ami accouru à la demeure de Torres, rue Chinon.