La société Financement Malts prête de l'argent à des particuliers dans le besoin. Mais attention, il faut rembourser rapidement: à 46,9% d'intérêts, il n'est pas rare que Malts finisse par saisir la maison de ses clients.

Selon nos recherches, Malts a intenté une trentaine de poursuites en 2006 et 2007 pour récupérer de l'argent prêté à des clients, surtout de Montréal et de Laval. Nous avons consulté sept de ces dossiers déposés en cour. Pour cinq d'entre eux, il était question de prêts à 46,9% d'intérêts, tandis que pour les deux autres, le taux était de 35%. Les réclamations de Malts vont de quelques milliers de dollars à 1,9 million.Au Canada, un prêt est considéré criminel lorsque les intérêts prélevés atteignent 60% par année. À 46,9% et 35%, les activités officielles de Malts sont donc légitimes.

La réalité semble toutefois différente, selon les conversations captées par la GRC dans le cadre de son enquête sur la mafia italienne, dont certaines transcriptions ont été déposées en Cour. Entre autres, en septembre 2006, la police a capté une conversation au cours de laquelle le comptable de Malts (Antoine Loufti) explique au mafioso Giuseppe Torre que le taux usuel pour un prêt est de 5% par mois, soit 60% par année.

Un suicide à Noël

Le financier Magdi Samaan, de Rivière-des-Prairies, est l'un de ceux qui ont fait affaire avec Malts. Selon des documents de cour, des proches de la mafia avaient confié plus de deux millions de dollars à Magdi Samaan. En retour, Samaan leur avait promis d'obtenir un rendement de plus de 25%. L'argent devait être remboursé à la fin de 2005.

Mais en décembre 2005, Samaan est toujours incapable de rembourser et la pression monte. Du côté de la mafia, la récupération des fonds est confiée au fier-à-bras Francesco del Balso, membre influent du clan Rizzuto, selon la GRC.

Pour récupérer leur mise, les mafiosi veulent forcer Samaan à leur concéder un droit sur ses trois immeubles, dont sa résidence personnelle, à Rivière-des-Prairies. Autrement dit, ils veulent récupérer leur mise à même la valeur nette des immeubles de Samaan. La logistique financière est confiée à Malts.

Le 23 décembre 2005, effectivement, la maison de Samaan est grevée d'une hypothèque de 1,4 million de dollars en faveur de Malts, selon le registre foncier de Montréal. Lors de la transaction, Magdi Samaan est absent et l'acte est signé par la conjointe de Samaan, Licia Pezzi. L'hypothèque porte un taux d'intérêt de 46,9%, selon l'acte de prêt que nous avons obtenu.

Le 25 décembre, jour de Noël, on comprend mieux pourquoi c'est Mme Pezzi qui a signé: Samaan est trouvé sans vie dans un motel de Longueuil. Selon ce que sa femme a déclaré dans un document de cour, il s'est suicidé.

En janvier 2006, les deux autres immeubles de Samaan sont également hypothéqués. Plus tard dans l'année, ils sont saisis pour défaut de paiement.

Des fruits et légumes

Magdi Samaan n'est pas le seul à s'être frotté à Malts. La famille Georgaros, de l'arrondissement de Saint-Laurent, a également eu maille à partir avec cette firme de financement.

Au début de 2006, Financement Malts et une firme partenaire, Holdec Capital, ont prêté 1,25 million au Groupe Georgaros au taux de 46%, selon une requête en Cour supérieure. Holdec est la firme de l'homme d'affaires Vincent Casola.

Cet argent, les Georgaros en avait besoin à court terme pour achever la construction de leur commerce Ten Stars fruits et légumes, rue Jean-Pratt, dans l'arrondissement de Saint-Laurent, selon la requête.

Incapables de rembourser rapidement, quatre membres de la famille sont aujourd'hui menacés de perdre leur maison et l'immeuble de la rue Jean-Pratt. En août 2007, Holdec et Malts ont réclamé en cour que les propriétés soient vendues en justice afin de récupérer leur argent. Avec les intérêts, le prêt de 1,25 million est passé à 1,9 million.

Joint au téléphone, Christos Georgaros a été peu loquace. De son côté, l'avocat de la famille, Denis Kounadis, a affirmé que le prêt n'a pas encore été remboursé à Holdec et Malts, mais que le dossier est en train de se régler. «Notre client est en train de se trouver un autre financement pour les rembourser, sans avoir à vendre les immeubles», a expliqué M. Kounadis, qui dit être au courant des problèmes de Malts avec la police, mais sans plus.