Après un feuilleton historique de huit ans, Omar Khadr, condamné pour crimes de guerre en Afghanistan, pourra rentrer au Canada après une année supplémentaire passée à la prison controversée de Guantánamo, dans l'île de Cuba.

Après neuf heures de délibérations, les jurés ont convenu qu'Omar Khadr devrait, selon eux, purger 40 ans de prison. Mais l'entente à l'amiable signée entre les avocats de M. Khadr et les procureurs du gouvernement américain, dont les détails ont été révélés en soirée hier, prévoit qu'il purgera un maximum de huit ans, dont la très grande majorité au Canada.

Les notes diplomatiques fournies par le Canada, dans l'entente à l'amiable, confirment qu'une demande de transfert dans un pénitencier canadien serait considérée «favorablement».

Le processus judiciaire contre Omar Khadr, entamé il y a cinq ans devant une commission militaire à la légitimité contestée, s'est conclu hier.

Le Canadien de 24 ans avait plaidé coupable, le 25 octobre, aux accusations de meurtre en violation des lois de la guerre, tentative de meurtre, complot, espionnage et soutien matériel au terrorisme. Omar Khadr a ainsi reconnu avoir lancé la grenade qui a tué le soldat Christopher Speer, le 27 juillet 2002, en Afghanistan.

Le jury, ne connaissant pas les détails de l'entente à l'amiable, devait déterminer une peine à imposer au prisonnier, après avoir entendu les témoins et les plaidoyers des deux parties, la semaine dernière.

La note diplomatique signée par l'ambassade du Canada à Washington le 23 octobre indique qu'Omar Khadr sera admissible à une libération conditionnelle après un tiers de la peine purgée, selon les lois canadiennes.

Compte tenu que le temps purgé avant sa condamnation pourra être pris en considération, l'avocat canadien d'Omar Khadr, Dennis Edney, a indiqué qu'il ferait tout en son pouvoir pour faire libérer son client «le plus tôt possible», dès qu'il mettra le pied en sol canadien.

Si Ottawa n'honore pas son engagement de le rapatrier après une année supplémentaire à Guantánamo, l'autre avocat canadien du jeune détenu, Nathan Whitling, n'exclut pas la possibilité de poursuivre le gouvernement fédéral. «J'estime que cet engagement a valeur légale», a-t-il dit hier.

Sans surprise, les avocats canadiens ont été outrés de la peine symbolique de 40 ans que le jury militaire voulait imposer à Omar Khadr. «Il y a plus de 1200 soldats américains qui ont été tués en Afghanistan, et on vient de faire payer un garçon de 15 ans pour ça», a dit Dennis Edney. C'est en effet la première condamnation pour meurtre dans la guerre contre le terrorisme et la première fois qu'un mineur est poursuivi pour crimes de guerre depuis la Seconde Guerre mondiale.

Le procureur en chef des commissions militaires, le capitaine John Murphy, a eu de la difficulté à expliquer l'écart entre ce que la poursuite avait réclamé du jury - une peine de 25 ans - et l'entente à l'amiable qu'il a lui-même mis en place, prévoyant huit ans de prison.

«Dans l'entente, nous avons pris en considération de nombreux facteurs, y compris le fait qu'on jugeait un mineur et son historique familial. L'important pour nous était qu'il soit condamné», a souligné le capitaine Murphy.

Pour la première fois depuis le tout début du processus, la veuve du soldat Speer, Tabitha, s'est adressée aux médias pour réitérer qu'à ses yeux, Omar Khadr sera toujours «un meurtrier».

«Aujourd'hui, c'est une victoire immense pour mes enfants et moi. C'est l'occasion pour nous de terminer un chapitre important et de pouvoir passer à autre chose», a-t-elle souligné, les larmes aux yeux.

En soirée, hier, Omar Khadr a pris la direction du camp no 5, à sécurité maximale, où sont incarcérés les deux autres détenus condamnés dans le cadre des commissions militaires et qui purgent une peine à Guantánamo. Ses conditions de détention pour la prochaine année seront beaucoup plus sévères que la vie communautaire à laquelle il était habitué au camp no 4. Plutôt que de pouvoir jouer au soccer et lire des livres, il sera isolé dans sa cellule, à l'écart du reste de la population carcérale. Mais au moment de quitter, pour la dernière fois, la salle du tribunal d'exception de Guantánamo, c'est un Omar Khadr tout sourire, soulagé, qui a salué timidement les quelques spécialistes venus plaider en sa faveur.