Après un peu plus de cinq heures de travail, samedi, les jurés au procès d'Omar Khadr ont ajourné leurs délibérations jusqu'à dimanche midi, n'ayant toujours pas déterminé la peine qu'ils souhaiteraient voir imposée au détenu.

Le juge Patrick Parrish a accordé ce délai, samedi en fin d'après-midi, parce qu'au moins un des sept jurés souhaitaient assister à un service religieux, demain matin à Guantanamo.

Dans son plaidoyer final, samedi matin, la défense a tenté de mettre l'accent sur le fait qu'Omar Khadr n'est plus l'enfant de 15 ans, radicalisé par son père, qu'il était lorsqu'il a participé au combat contre l'armée américaine le 27 juillet 2002.

Le détenu, natif de Scarborough et aujourd'hui âgé de 24 ans, devrait être renvoyé au Canada pour qu'il puisse «commencer sa vie», ont argué ses avocats.

«C'est l'occasion de donner à Omar Khadr une première chance, parce qu'il n'en a jamais eu», a souligné le lieutenant-colonel Jon Jackson, avocat militaire du jeune détenu.

«Renvoyez-le à la maison. Laissez-le commencer son éducation, avoir une carrière, a-t-il ajouté. Ça ne donnera rien de bon de le laisser ici.»

Après huit ans de détention à Guantanamo, le plus jeune détenu, - et le seul occidental -, de la controversée prison a plaidé coupable, lundi, à des accusations de meurtre en violation des lois de la guerre, tentative de meurtre, complot, espionnage et soutien au terrorisme. Les avocats de la défense et de la poursuite ont conclu à la mi-octobre une entente à l'amiable pour une peine de prison réduite, évaluée à huit ans, et qui inclut la possibilité d'être transféré au Canada après la première année supplémentaire passée à Guantanamo.

Les règles encadrant les commissions militaires prévoient toutefois que le jury doit entendre quand même des plaidoyers et des témoins afin de proposer une peine qui leur semble juste dans les circonstances. Cette peine décidée par le jury ne sera appliquée que si elle est inférieure au nombre d'années prévues dans l'entente à l'amiable.

Le jury peut imposer une peine allant jusqu'à la prison à vie, a expliqué le juge Patrick Parrish. La poursuite, dans son plaidoyer, a recommandé une peine de 25 ans d'emprisonnement, compte tenu de la gravité des crimes et de «la souffrance immense» qu'il a causé à la famille Speer.

Dans son plaidoyer de culpabilité, Omar Khadr a reconnu avoir lancé la grenade qui a coûté la vie au soldat Christopher Speer. Sa veuve, Tabitha Speer, qui a assisté à l'ensemble des audiences sur sentence, à Guantanamo cette semaine, tenait samedi contre elle les photos de ses enfants, Taryn, 11 ans, et Tanner, 8 ans.

«Le sergent Speer n'a jamais vu son fils marcher. Il ne sera pas là pour accompagner sa fille dans l'allée le jour de son mariage», a soutenu aux jurés l'avocat du gouvernement américain, Jeffrey Groharing, alors que Mme Speer fondait en larmes.

«Omar Khadr n'est pas une rock star. Ce n'est pas une victime. C'est un terroriste, un meurtrier», a ajouté le chef procureur, sous le regard concentré de l'accusé, qui a attentivement écouté, le front plissé, l'ensemble du plaidoyer de la poursuite, vêtu d'un complet gris foncé et d'une cravate bleu marine.

«Le monde entier vous regarde, a lancé M. Groharing aux jurés. Votre sentence sera un message envoyé aux victimes, à leurs familles et aux terroristes d'Al-Qaïda. Omar Khadr ne se battait pas pour un pays. Il se battait au nom de sa religion seulement. Il est temps de le tenir responsable de ses actes.»

La défense, quant à elle, a insisté sur le fait qu'Omar Khadr avait 15 ans à l'époque des faits. «Le gouvernement a raison sur un point. Al-Qaïda ne respecte pas les lois de la guerre. Al-Qaïda utilise des enfants soldats», a plaidé le lieutenant-colonel Jon Jackson.

Omar Khadr est réhabilitable, a-t-il argué, demandant au jury de ne pas considérer les propos du controversé psychiatre engagé par le gouvernement américain, Michael Welner, qui a affirmé cette semaine que le jeune détenu était «très dangereux».

«Le Dr Welner n'a fait que plaider en faveur du gouvernement. Il est biaisé et n'agissait pas en sa qualité de psychiatre légiste. Vous devriez rejeter l'ensemble de son témoignage, qui n'a aucune valeur», a dit l'avocat militaire.

Incarcéré depuis huit ans à Guantanamo, Omar Khadr a fait le choix d'abandonner les idées radicales qui étaient celles de son père, a conclu Jon Jackson.

Selon les instructions du juge, le jury, composé de quatre hommes et trois femmes, tous des militaires, pourrait considérer, dans sa décision, l'âge du détenu, son éducation, sa famille, sa condition physique (il a été blessé sérieusement dans le combat), le temps de détention fait avant le prononcé de la sentence, l'absence de dossier criminel, le niveau de maturité au moment des faits, le type d'armes utilisées, la mort et les blessures causées et la dangerosité future.

Plus de 5000 soldats américains sont morts dans la guerre au terrorisme, en Irak et en Afghanistan. Omar Khadr est le premier «ennemi de l'État» emprisonné à Guantanamo à être condamné pour le meurtre de l'un d'entre eux.