Peu importe qu'elles aient été prétendument obtenues sous la torture ou la menace, les déclarations d'Omar Khadr seront toutes admises en preuve à son procès, qui doit commencer mardi devant une commission militaire à Guantánamo.

Au dernier jour des audiences préliminaires, le juge militaire Patrick Parrish a rejeté la demande de la défense, qui souhaitait que soient exclues toutes les déclarations faites après que M. Khadr eut été menacé ou maltraité.

La barbe longue, hirsute, les cheveux courts, vêtu d'un large t-shirt et d'un pantalon blanc, le jeune Canadien de 23 ans est entré dans la salle d'audience, lundi, sans menottes ni chaînes, escorté par trois soldats américains. En s'asseyant, il a légèrement souri à son équipe d'avocats et de conseillers juridiques, qui jusqu'à la veille au soir ne savaient toujours pas si leur client serait présent, lui qui a souvent menacé de boycotter un processus qu'il juge injuste.

Arrivé adolescent à la prison militaire américaine de Guantánamo, Omar Khadr semble maintenant entre deux âges. Lorsqu'il sourit en discutant avec son avocat canadien, Dennis Edney, de petites pattes d'oie se forment au coin de ses yeux. Mais son sourire est encore celui d'un enfant.

Tantôt feuilletant distraitement les pages d'un magazine sur la Coupe du monde de soccer, tantôt écoutant attentivement les arguments des procureurs contre lui, le jeune détenu est apparu calme, impassible, voire résigné.

Il ne s'est pas levé lorsque le juge Parrish a demandé s'il plaidait coupable ou non coupable.

C'est son avocat militaire, le lieutenant-colonel Jon Jackson - le seul qu'Omar Khadr n'ait pas réussi à congédier -, qui a plaidé non coupable pour lui à tous les chefs d'accusation.

Appréhendé en juillet 2002 après une échauffourée entre l'armée américaine et des «ennemis combattants» qui a causé la mort d'un soldat, en Afghanistan, Omar Khadr est accusé de meurtre, de tentative de meurtre, de complot, d'espionnage et de soutien matériel au terrorisme. Citoyen canadien, le jeune Torontois a passé les huit dernières années dans la tristement célèbre prison que le président Barack Obama avait promis de fermer - ce qu'il n'a toujours pas réussi à faire. Omar Khadr sera ainsi le premier prisonnier de Guantánamo à subir un procès selon les nouvelles règles des commissions militaires sous Obama.

L'audience préliminaire d'lundi devait déterminer quelles preuves allaient être admissibles ou irrecevables au procès.

Demande

L'avocat de la défense, Me Jackson, a demandé que soient rejetées toutes les déclarations obtenues après qu'Omar Khadr eut été menacé de viol. «Dites au gouvernement qu'il ne peut pas tirer avantage des inconduites commises», a plaidé Me Jackson.

Les États-Unis, selon lui, ne sont pas un pays qui «condamne quelqu'un à partir de déclarations obtenues sous la torture ou après l'avoir traité de façon dégradante, inhumaine, cruelle, y compris par des menaces implicites ou explicites».

En fin d'après-midi, le juge Parrish a fait part de sa décision: toutes les déclarations d'Omar Khadr seront admissibles en preuve, en plus de la vidéo découverte sur les lieux du combat, où l'on voit Omar Khadr s'entraîner à fabriquer des bombes. La défense voulait rejeter cette preuve au motif que la vidéo avait été trouvée après qu'Omar Khadr eut fourni l'information sous la torture ou la menace.

Me Edney, qui travaille au dossier Khadr depuis 2003, a qualifié la décision du juge de «scandaleuse» et de «déshonorante». «Lorsque nous sommes sortis de la salle, Omar m'a dit: "On s'humilie à être ici." Je lui ai répondu que nous étions là pour montrer au jury le vrai visage d'Omar.»

Par ailleurs, les procureurs du gouvernement américain ont essayé de démontrer que le détenu avait menti lorsqu'il avait affirmé que des gardes qui tentaient de le peser, en 2006, l'avaient maltraité. Ils ont présenté, pour la première fois, une vidéo de la scène. On y voit un Omar Khadr plus jeune, parfois sanglotant, parfois l'air terrifié, qui proteste ouvertement contre ses conditions de détention et qui promet qu'il sera vengé. Plusieurs soldats le maintiennent de force durant de longues minutes. Les soldats «n'ont fait que leur travail», a plaidé un des procureurs.

Le procès commence mardi avec la sélection du jury, qui doit être composé d'au moins cinq personnes choisies parmi 15 candidats.