Omar Khadr

Arrêté par l'armée américaine en Afghanistan le 27 juillet 2002 alors qu'il n'avait que 15 ans, le canadien Omar Khadr est depuis octobre 2002 le plus jeune détenu de la prison de la base militaire de Guantanamo Bay. Les autorités américaines l'accusent notamment d'avoir assassiné le soldat américain Christopher Speer à l'aide d'une grenade.

Aujourd'hui âgé de 23 ans, Omar Khadr fait aussi face à des accusations de complot, d'espionnage et de soutien matériel à une organisation terroriste. Soupçonné d'avoir transformé des mines anti-personnel en explosifs télécommandés, il est aussi accusé de tentative de meurtre contre des militaires américains. Cinquième enfant de la famille Khadr, laquelle a élu domicile au Canada en 1977, Omar Khadr est né à Toronto en septembre 1986. Il a passé son enfance entre la Ville reine, le Pakistan et l'Afghanistan, suivant son père, Ahmed Saïd Khadr, dans ses déplacements. Il a été grièvement blessé à un oeil lors de la bataille de juillet 2007 et dit avoir subi de mauvais traitements autant dans la prison de Bagram où il a d'abord été détenu, puis à Guantánamo.

Depuis son incarcération, il n'a jamais revu sa famille et a rarement accès à ses avocats canadiens. Il a récemment refusé une entente hors-cour qui, en échange d'une plaidoirie de culpabilité, aurait limité à cinq, plutôt qu'à 30, le nombre d'années à passer en détention pour crimes de guerre.

- Laura-Julie Perreault

La famille Khadr

Avant qu'Omar Khadr ne soit arrêté, sa famille faisait déjà les manchettes. Son père, Ahmed Saïd Khadr, un proche d'Oussama ben Laden, a été accusé d'avoir fomenté un attentat contre une ambassade égyptienne en 1995 avant d'être relâché. Identifié comme un des hauts gradés d'Al-Qaïda, il a été tué près de la frontière afghane en 2003. La mère du détenu, Maha Elsamnah, de retour à Toronto, a maintes fois fait publiquement l'éloge du djihad. Craignant qu'elle et sa fille aînée, Zaynab, ne nuisent à la cause d'Omar en faisant des déclarations-choc, les avocats canadiens du jeune Omar ont interdit aux deux femmes de parler aux médias.

Plusieurs frères d'Omar Khadr ont aussi attiré l'attention. Accusé de terrorisme par les Américains qui demandent son extradition, Abdullah Khadr, 29 ans, a été mis en détention après son retour au Canada du Pakistan en 2005, mais a été relâché la semaine dernière. Abdulkareem Khadr, le plus jeune frère d'Omar, est revenu au Canada paraplégique après avoir été blessé lors de la bataille qui a vu périr son père et a depuis été accusé d'agressions sexuelles. Un autre frère d'Omar, Abdurahman Khadr, a été lui aussi prisonnier à Guantánamo, mais a été libéré après avoir accepté de travailler pour la CIA. Devant les médias, il a qualifié ses proches de «famille Al-Qaïda».

- Laura-Julie Perreault

Photo: Archives Reuters

Un des frères d'Omar, Abdurahman Khadr, a été lui aussi prisonnier à Guantanamo, mais a été libéré après avoir accepté de travailler pour la CIA.

Les avocats canadiens d'Omar Khadr

Depuis 2003, deux avocats d'Edmonton représentent Omar Khadr, son frère Abdullah et le reste de la famille. Décrit par les journalistes qui couvrent l'affaire Khadr comme le ying et le yang, les deux hommes ont des personnalités et des antécédents très différents. Très flamboyant, à l'humeur changeante, l'avocat criminaliste Dennis Edney est le principal interlocuteur des médias. Nate Whitling, un diplômé de Harvard, est la tête froide qui s'occupe des détails juridiques du cas et qui a porté la cause d'Omar devant la Cour suprême canadienne. Les deux hommes défendent le jeune Canadien gratuitement depuis déjà sept ans.

- Laura-Julie Perreault

Les avocats américains

Dans un geste de protestation, Omar Khadr a congédié, au début du mois de juillet, les deux avocats civils américains qui le représentaient depuis l'automne 2009, Barry Coburn et Kobie Flowers. Depuis cinq ans, une douzaine d'avocats se sont succédé pour défendre le prisonnier canadien. La commission militaire lui a par contre interdit de congédier le lieutenant-colonel Jon Jackson, avocat militaire, engagé par le Pentagone.

Après avoir contesté la décision du juge, M. Khadr a finalement fait savoir qu'il acceptait d'être représenté par M. Jackson, qui a pour sa part promis de défendre son client avec le plus grand zèle. Il s'est adressé, en vain, à la Cour suprême des États-Unis, lundi dernier, pour qu'elle annule le procès pour crimes de guerre contre son client au motif que le système de justice mis en place à Guantánamo pour juger les présumés terroristes est inconstitutionnel.

- Malorie Beauchemin

Les commissions militaires

En réponse aux attaques du 11 septembre 2001, et dans la foulée de la guerre contre Al-Qaïda, le président américain George W. Bush instaure en novembre 2001 les commissions militaires de Guantánamo, des tribunaux d'exception présidés par des juges militaires. L'objectif est d'y juger, hors du cadre judiciaire américain, les combattants capturés liés à Al-Qaeda et ceux détenus au camp de Guantánamo. Le processus n'avait pas été utilisé par les États-Unis depuis la Deuxième Guerre mondiale.

En juin 2006, la Cour suprême déclare les commissions militaires de Guantánamo illégales. Pour corriger le tir, le Congrès américain vote quelques mois plus tard le Military Commissions Act, qui légitime le processus et crée le statut de «combattant ennemi illégal». Les règles sont à nouveau modifiées en 2009, sous Barack Obama. C'est le colonel Patrick Parrish qui présidera la cause des États-Unis contre Omar Khadr.

- Malorie Beauchemin

Gouvernement canadien

Après de nombreux revers en Cour fédérale et en Cour d'appel, le gouvernement conservateur de Stephen Harper s'est vu sévèrement blâmé, en janvier dernier, par la Cour suprême, qui a estimé qu'Ottawa avait violé les droits fondamentaux d'Omar Khadr et que le gouvernement devait remédier à la situation. Mais, contrairement aux tribunaux inférieurs, la Cour suprême du Canada n'a pas exigé que le gouvernement demande aux États-Unis le rapatriement d'Omar Khadr, ce que les conservateurs refusent catégoriquement de faire. Ottawa a toujours martelé qu'il fallait laisser la justice américaine suivre son cours compte tenu de la gravité des crimes reprochés à Omar Khadr.

- Malorie Beauchemin

Gouvernement américain

Dans les premiers jours suivant sa prestation de serment comme président des États-Unis, en janvier 2009, Barack Obama suspend le travail des commissions militaires et signe le décret visant la fermeture de la prison de Guantánamo. Depuis, les obstacles se sont multipliés. Le président Obama échoue, à l'automne 2009, à faire adopter par le Congrès américain son plan pour l'acquisition d'un centre correctionnel en Illinois où devaient être transférés 100 des quelques 180 détenus toujours à Guantánamo. Le président Obama n'a pas réussi à fermer la controversée prison et moins de cinq mois après la date qu'il avait lui-même fixée pour mettre la clé dans la porte, les commissions militaires ont repris, avec de nouvelles règles.

- Malorie Beauchemin

Photo: Archives PC

L'avocat Dennis Edney et un des frères d'Omar, Abdullah Khadr.