Le jeune Omar Khadr, un citoyen canadien arrêté par les Américains en Afghanistan à l'âge de 15 ans, comparaîtra à partir de mercredi sur la base navale de Guantanamo pour les audiences préliminaires à son procès devant un tribunal militaire d'exception.

Aujourd'hui âgé de 23 ans, le frêle adolescent qu'il était au moment de son arrestation est devenu un grand jeune homme à la barbe fournie. Il est le dernier Occidental encore détenu dans la prison ouverte par George W. Bush pour accueillir les prisonniers de la guerre contre le terrorisme.

Son procès, dont les débats doivent commencer cet été, va être l'occasion de tester pour la première fois grandeur nature les tribunaux militaires d'exception tels qu'ils ont été réformés par l'administration Obama et le Congrès cet automne.

Faute d'un autre lieu pour les accueillir dans l'immédiat, ces tribunaux militaires se réunissent, comme les anciens, à Guantanamo, dont la fermeture a été reportée sine die.

Omar Khadr est poursuivi pour «crimes de guerre», accusé d'avoir lancé une grenade qui a tué un officier américain et d'avoir rejoint volontairement le Jihad.

«Il est très perturbant que l'administration Obama non seulement remette en place les tribunaux d'exception controversés mais les teste avec un jeune homme qui pourrait avoir été un enfant soldat, qui a passé un tiers de sa vie en détention et a subi des années de violence», a estimé Jennifer Turner, de l'organisation américaine de défense des libertés publiques ACLU qui assiste aux audiences sur la base militaire américaine à Cuba.

Dans l'immédiat, ses avocats font usage des nouvelles règles qui régissent ces tribunaux afin d'obtenir que certaines des déclarations de leur client soient retirées du dossier au motif qu'elles ont été arrachées sous la contrainte, voire la torture.

«Aucune déclaration obtenue sous la torture ou par un traitement cruel, inhumain, ou humiliant, qu'elle ait été obtenue sous couvert de la loi ou non, ne peut être admise par une commission militaire», précise le nouveau texte de loi.

Dans l'argumentaire écrit qu'ils ont déposé devant le tribunal, les avocats d'Omar Khadr évoquent «des positions inconfortables» gardées pendant des heures, des «étouffements jusqu'à évanouissement», des interrogatoires interminables sans droit d'aller aux toilettes, «de telle sorte qu'il s'urinait dessus».

Ils décrivent également des privations de sommeil, des coups, des menaces. «Il a subi des violences jusqu'à s'écrouler, puis a été utilisé par la police militaire comme un balai humain pour éponger son urine et du détergent dans une salle d'interrogatoire».

L'accusation rejette toutes ces allégations, assurant que le jeune homme ne les fait qu'«afin de servir son propre intérêt».

Le juge militaire Patrick Parish doit entendre des dizaines de témoins cités par les deux parties pendant une dizaine de jours avant de déterminer si les déclarations de l'adolescent, à la prison de Bagram puis à Guantanamo, peuvent être utilisées contre lui.

Critiqués de toutes parts sous l'administration Bush, les tribunaux militaires d'exception de Guantanamo ont été suspendus par Barack Obama le jour de son arrivée à la Maison-Blanche. Ils ont cependant été rétablis, au grand soulagement de la plupart des républicains et de quelques démocrates, largement amendés afin de garantir davantage de droits à la défense.