Vous n'étiez probablement pas au courant, mais le 15 octobre dernier, il y a eu des élections. C'est une femme qui a été élue au poste de première ministre. Elle a 11 ans et s'appelle Angelica Sanchez. Est-ce une vue fugitive de l'avenir? Son gouvernement est, à majorité, formé de femmes. Angelica a promis de faire de l'école Jules-Verne «la plus cool de la commission scolaire».

La trentaine de candidats aux postes du gouvernement écolier ont tous fait un discours, qui a été enregistré et diffusé dans toutes les classes. Les promesses des candidats? «Ils voulaient du changement au plan de l'environnement et de la violence», résume Valérie Savard, professeure de sixième année.

 

C'est quoi, la violence, à l'école Jules-Verne? C'est ce bâton d'aluminium de quatre pieds et ce canif, saisis ce midi sur deux jeunes dans la cour de récré par Diane Généreux, éducatrice au service de garde. Les deux coupables sont assis au secrétariat. Ils sanglotent sur leur chaise en attendant de se faire passer un savon par la directrice adjointe, Myrna Dupoux.

C'est aussi ce garçon de 10 ans, sur qui on a saisi des armes à plusieurs reprises. Des armes pas nécessairement meurtrières, mais qui auraient pu causer des blessures à d'autres écoliers. Questionné par la direction, le jeune a fini par avouer qu'il voulait devenir membre d'un gang de rue. «J'aurais pu le mettre à la porte du service de garde. Mais il aurait été tout seul dans la rue! On n'arrivait à rien avec cet enfant-là», raconte la directrice, Claire Stabile. Elle a finalement changé de stratégie. «Avec la responsable du service de garde, nous lui avons proposé de remplir des petites tâches après l'école. Il adore ça. Depuis, on a moins de problèmes.»

Alors qu'ils sont encore au primaire, les enfants suscitent déjà l'intérêt des gangs de rue. «Certains ados venaient ici regarder les joutes sportives. Ils en profitaient pour recruter», raconte Mme Stabile. On a donc interdit la présence de spectateurs en certaines circonstances. Les filles sont aussi dans leur ligne de mire. «À 11 ans, pas d'argent, tu peux être une belle prospect», dit Mme Stabile. La surveillance, dans la cour d'école, est donc extrêmement stricte. On ne tolère pas les petits rassemblements de jeunes qui ne font rien d'autre que parler. «Il faut faire quelque chose. Jouer au ballon. Courir», souligne une surveillante.

Louise Lamarche-Lamy, qui enseigne depuis 26 ans à Jules-Verne, se souvient très bien du jour où les policiers sont venus arrêter un jeune dans sa classe de sixième année. C'était le king de l'école. D'ailleurs, c'était écrit dans ses cheveux. King. En grosses lettres majuscules.