Chez Roger. Les lettres sur la devanture sont écaillées, l'immeuble est délabré. Deux étages plantés au-dessus d'un commerce, rue Ontario. Deux étages de misère où s'étalent une vingtaine d'appartements loués au mois.

Dans l'entrée, la plupart des boîtes aux lettres sont défoncées, des papiers gras jonchent le sol. L'odeur saute à la gorge : rance, forte, un mélange d'urine et de saleté.

Je croise un homme dans les escaliers. La trentaine, assez costaud.

- Qu'est-ce que tu fais ici? me demande-t-il.

- Je cherche un logement.

- C'est sale et délabré.

- Je le sais.

Il s'approche en me détaillant de la tête aux pieds.

- Tu charges combien?

Prise de court, je bafouille. «Pas maintenant.»

- Pourquoi pas, on pourrait faire ça ici.

- Ici? Maintenant? Dans les escaliers?

Il s'approche encore plus, l'oeil allumé. Je sens son haleine sur mon visage.

- Mais oui, ici, je veux juste voir ta poune.

- Non, non, pas maintenant.

Je grimpe rapidement les escaliers. L'homme, frustré, ouvre la porte et quitte le bloc.

Je cherche l'appartement 208 où vit le concierge. En arpentant le corridor, j'entends de la musique beugler à travers les murs. Un peu plus loin, un grand Noir baraqué me regarde, bras croisés. Il est appuyé sur le chambranle d'une porte qui donne sur un logement microscopique.

Appartement 208. Je cogne. J'entends des bruits de pas étouffés, la porte s'ouvre lentement, une tête ébouriffée apparaît. Une odeur de pot envahit le corridor.

- Ouais, c'est pourquoi?

- Je veux louer un appartement.

- Maintenant? demande le concierge, contrarié.

Il soupire, retourne dans son logement, enfile un chandail, décroche un trousseau de clés et traverse le corridor d'un pas traînant.

- Suis-moi.

L'appartement 104. Une pièce avec salle de bain. Sale, encombrée de meubles défoncés : un fauteuil en faux velours rose, un matelas qui a vu neiger, un frigo planté au milieu de la pièce, un évier rouillé, une fenêtre barbouillée qui donne sur un bar contrôlé par les motards.

- 390$ par mois tout inclus, pas de bail, me dit le concierge. Remplis ça.

Il me lance une feuille.

- Qui vit dans le bloc?

- Des soûlons, des vieux, des drogués pis des prostitués, répond le concierge.

C'est ici que je vais vivre pendant deux semaines.

***

Lundi, j'arrive Chez Roger avec mes deux sacs de vidange qui me servent de valise. J'emménage. L'entrée du bloc donne sur la rue Ontario. J'ouvre la porte. Une dame m'apostrophe.

«Vous allez pas vivre là-dedans ? C'est plein de prostituées ! Ce bloc-là devrait être fermé, c'est une honte !»

Un grand Noir s'engouffre dans l'immeuble. La dame le regarde en roulant des yeux.

«Vous voyez ! En tout cas, faites pas votre lavage dans leur machine, vous allez pogner le sida.»

Le grand Noir s'appelle Jean. Il a 27 ans. Il vit sur mon étage, appartement 108. Un timide qui vend du pot.

***

Marie vit Chez Roger depuis 15 mois. Appartement 103. Elle est presque tout le temps en robe de nuit. «Je suis à peu près la seule fille dans le bloc», dit-elle. Puis elle ajoute, en me regardant droit dans les yeux. «T'es pas peureuse, j'espère?»

Elle était clean depuis quatre ans lorsqu'elle a recommencé à consommer. Elle est prise dans un cycle infernal : elle se prostitue pour s'acheter de la drogue et elle prend de la drogue pour supporter les clients.

Marie m'invite dans sa chambre. C'est ma voisine de palier. Elle me prépare un café. La pièce est minuscule, à l'envers : lit défait, linge qui traîne sur le plancher, pilules jetées en vrac sur le comptoir. Son chat se cache sous le matelas. Elle n'a pas de frigo, juste deux ronds de poêle. La veille, son téléphone a été coupé.

Marie a une longue balafre sur la main, une vilaine cicatrice qui part de son avant-bras et court sur son poignet.

Suicide ?

Marie ferme les yeux. «J'veux pas en parler.»

Elle s'assoit sur le lit et passe mes voisins en revue.

«Denis vit dans le 105, explique Marie. Il est sur l'aide sociale et il mange souvent à l'Accueil Bonneau. Un gars ben tranquille, il écoeure personne.»

Marie m'entraîne dans le corridor et ouvre la porte de Denis sans frapper. «Hé Denis ! Je veux te présenter ta nouvelle voisine.»

Un grand gaillard tout en cheveux, le corps saucissonné dans un jeans archi moulant, apparaît. «Salut !»

Marie poursuit. «Dans le 108, t'as deux Blacks. Ils écoutent leur musique à tue-tête.»

Serge, lui, vit dans le 106. Marie le déteste. «Il dit qu'il a 55 ans, mais je le crois pas, il en a au moins 75. Sa blonde est grosse, elle a un cul immense, large de même. Serge, c'est une mémère, il répète tout à la propriétaire. Parle-lui pas !»

La propriétaire est Russe. Visage dur, fermé. Elle vient parfois faire un tour. Le concierge la suit partout comme un chien de poche.

« En face, dans le 109, t'as Robert, une tapette. Il va mourir, il a le sida.»

Quand Robert en a assez d'entendre la musique des voisins, il pète les plombs et appelle la police.

Le 101. Marie lève les yeux au plafond. «J'les aime pas !»

Deux gars, soûls du matin au soir. Cowboy et Martin. Ils sont bruyants, parfois violents.

«Sont pas du monde», affirme Marie.

***

J'ai croisé Robert, la «tapette» du 109, dans le corridor. Jasant. Il m'a parlé de Marie en jetant un regard mauvais sur sa porte. «Elle se prostitue et se drogue, dit-il. Elle ne sait pas comment se shooter. J'ai essayé de lui montrer, mais elle ne comprend pas. Des fois, elle fait ça dans le corridor. Je veux juste t'avertir.»

J'ai aussi rencontré les deux gars du 101, Cowboy et son coloc, Martin. Deux maigres, la quarantaine abîmée. Sur le party en permanence. La bière, le pot. Cowboy me fait visiter son logement. Deux pièces étriquées où s'entassent des meubles usagées. Prix du loyer : 500$ par mois.

Cowboy s'est shooté longtemps. Certains soirs, il pouvait flamber 1000$.

Cowboy me parle de l'obèse du 2e, Sébastien. Je l'ai croisé deux jours plus tôt. Il se promenait en bedaine, son corps immense coincé dans un short noir. Ses chairs ramollies se balançaient autour de son torse nu.

Des rumeurs sinistres courent sur son compte. Cowboy dit qu'il a tué son coloc. Marie, elle, pense que c'était un accident, une banale chicane qui a mal tourné.

Une vieille dame qui vit à côté de Sébastien affirme que le coloc est mort d'une overdose. C'est elle qui a appelé le 911.

«Au 911, ils m'ont demandé s'il avait un pouls, dit-elle. J'ai répondu non, il est froid comme un frigidaire et raide comme une barre. J'ai hâte de partir de ce trou-là câlisse ! J'attends ma place dans un HLM. En attendant, je prends des pilules pour me calmer. Tout me shake, les nerfs me pognent.»

Elle soupire. « Je suis certaine qu'il va y avoir un autre meurtre.»

***

Marie, la prostituée, me passe deux romans. «Tu vas voir, c'est meilleur que les Harlequin.» Elle me prête aussi un livre de Beaudelaire, Les fleurs du mal. «C'est ben bon», précise-t-elle.

Marie a deux enfants. Un garçon de 23 ans. «Pose pas de questions,» dit-elle d'un ton agressif. Et un enfant de 8 ans. Il avait un mois et demi lorsque la DPJ l'a pris sous son aile. Marie ne l'a jamais revu.

«Je fumais du pot tous les jours quand j'étais enceinte. J'ai même trouvé quelqu'un qui m'en apportait à l'hôpital après l'accouchement. Je le sais, j'ai pas d'allure.»

Marie a 45 ans. Elle en parait 50. Son corps est flétri, son ventre ballonné. Ses cheveux noirs sont secs, abîmés par des teintures bon marché.

***

«Mario, c'est moi, Marie. Je te parle avec le cellulaire de ma voisine. Viens-tu me voir aujourd'hui ? Quelqu'un m'a donné une belle télé et j'ai des films de sexe. (...) Tu peux ? Merci, t'es fin. (...) Hey ! Mario, apporte-moi à manger, SVP.»

Mario est un client régulier de Marie. Maigre, cheveux longs grisonnants attachés avec un élastique. Il lui apporte parfois de la nourriture, surtout à la fin du mois quand le chèque d'aide sociale est flambé depuis longtemps.

***

Marie a un chat gris tigré. Un mâle qui n'a pas été opéré. Il s'appelle Result. Cet hiver, il s'est coincé la patte dans l'ascenseur.

Même si Marie n'avait pas d'argent, elle l'a amené chez le vétérinaire qui lui a fait un plâtre. Total de la facture : 390$, le prix d'un mois de loyer. Marie garde les radiographies en souvenir.

«C'est mon amour», dit Marie en embrassant son chat sur le museau.

***

16h. Ça sent le brûlé. Cowboy s'est endormi pendant que son steak cuisait. Le son strident de son détecteur de fumée déchire l'air. Le corridor est enfumé. Les gens sortent de leur chambre : les deux Haïtiens, Marie, tout énervée, et Serge, la mémère. Il s'engueule avec Marie. Il lui crie de se calmer les nerfs.

Serge me prend à part. «Parle pas à Marie. C'est une prostituée et elle se pique partout, même sur la langue.»

Sébastien, l'obèse du 2e, essaie d'enlever les piles du détecteur vissé dans le plafond chez Cowboy. La musique de Marie, qui joue à tue-tête, ajoute à la cacophonie.

«C'est tout le temps pareil, crie Marie. Cowboy se fait à manger pis il oublie, il est trop soûl.»

Marie s'allume un joint et marche de long en large. Ses talons hauts claquent sur le prélart.

L'alarme du bloc part, le bruit est assourdissant. Les pompiers débarquent, ils essaient de calmer Marie. Le concierge arrive. Il s'engueule avec Cowboy.

- Parle-moi pas proche de même !

- Va chier ! lui répond Cowboy.

Les pompiers finissent par partir, les portes claquent. Chacun retourne dans sa chambre. Marie arrête enfin sa musique.

***

Cowboy est contrarié. Son coloc ne paie pas sa part de loyer depuis deux mois et la propriétaire lui pousse dans le dos.

«J'ai pas d'argent, j'ai juste le chèque du BS, mais je ne peux pas mettre mon coloc à la porte, c'est un chum», se plaint Cowboy.

Il est dur d'oreille. Il se penche vers moi et me crie, en frôlant mon visage : «Hey la petite, as-tu un chum ? Moi, je peux pas te donner de sexe parce que je suis pas capable. Je suis à rien, ni aux gars ni aux filles ni aux enfants, juste à Dieu. J'ai pas de sexualité, mais j'ai de l'amour.»

Il est tellement maigre qu'il flotte dans ses jeans étroits. Son visage est émacié. Son chapeau de cowboy cache son front et s'enfonce jusqu'aux sourcils.

Il s'est remis de l'épisode du steak brûlé. Il parle à ses voisins, fin comme tout. Il veut se faire pardonner d'avoir attiré les pompiers dans le bloc. Il essaie d'amadouer Marie qui ne demande pas mieux. Elle en profite pour faire une razzia dans son frigo. Cowboy lui donne des cornichons et de la salade aux patates. Marie mange à grands coups de fourchette, sans dire un mot.

***

Samedi, 11h30. Marie et Serge, la mémère, s'engueulent. Encore. Leurs cris résonnent dans le corridor.

- Mon tabarnacle de chien sale, arrête de me surveiller ! J'suis pu capable ! T'as pas fini avec moi !

- Arrête de crier ! hurle Serge.

Marie claque sa porte. Je l'entends parler seule dans sa chambre. Elle continue d'engueuler Serge même s'il ne l'entend plus.

Marie est de mauvais poil, La veille, elle s'est gelée. À minuit, elle était complètement zombie. Ce matin, vers 9h, un client a cogné à sa porte. Elle ne l'a pas entendu. Elle dormait, assommée par la drogue qui coule dans ses veines.

Le soir, Marie est plus calme, mais elle reste fébrile. Elle tourne en rond dans sa chambre qui est toujours aussi en désordre. Elle m'offre un café.

«Ma mère était pédophile, raconte-t-elle. Elle s'en prenait aux filles. C'était une prostituée. Elle a eu quatre enfants de quatre clients. J'ai été abusée à partir de l'âge de deux ans. C'est pour ça que je suis comme ça, c'est pour ça que je suis détruite. Je m'aime pas.»

Marie pleure doucement. «J'sais pas pourquoi je te raconte tout ça, j'sais pas pourquoi. Je suis toute détruite en dedans.»

***

3h du matin. «Marie ! Maaarie ! Ouvre tabarnacle !» L'homme bûche sur sa porte, Marie ne répond pas.

6h du matin. «Marie ! Es-tu là ?» Marie fait la sourde oreille, elle est occupée avec un client.

20$ pour une pipe.

- C'était Cowboy qui voulait me voir, m'a expliqué Marie plus tard.

- Cowboy ? Du 101 ? Il m'a dit que le sexe ne l'intéressait pas.

- Il ne bande pas, dit Marie en riant, mais il aime ça voir les boules des femmes. Il me paie pour ça.

***

Denis, le 105 aux jeans moulants, et Sébastien, l'obèse du 2e, déboulent dans le corridor. Ils se plaignent du bruit.

«C'est l'enfer, ici, stie, l'enfer !» se lamente Denis. Il marche les hanches par en avant. Il porte une chemise à carreaux par-dessus ses jeans archi moulants.

«Je vis ici depuis six ans. Six ans d'enfer, stie, répète Denis. Chu pu capable, ça crie tout le temps.»

«C'est eux, le problème», renchérit Sébastien,

D'un mouvement du menton, il montre la porte où vivent les deux Haïtiens.

«Marie aussi crie, ajoute Sébastien. Faut que je prenne des pilules pour dormir.»

Denis me montre la porte de son appartement. Mince comme une feuille de papier, un trou à la place de la serrure. Il donne une poussée, la porte s'ouvre. «Est défoncée, stie, est défoncée ! La propriétaire fait rien, stie. Chu pu capable, faut que je crisse mon camp d'ici !»

***

17h45, je pars travailler au restaurant du coin. Je passe devant le 101 et j'entends Cowboy hurler.

«Es-tu capable de manger avec des baguettes chinoises, hein ? Es-tu CAPABLE !?!»

«Fourre-toi-les dans le cul, tes baguettes chinoises !» lui répond son coloc en hurlant encore plus fort.

***

Toc, toc, toc. On cogne à ma porte, il est huit heures du matin. Je ne réponds pas, je dors.

TOC ! TOC ! TOC ! «C'est l'exterminateur !»

Il vient une fois par mois.

Je me lève.

«T'as ben fait de répondre, sinon tu vas avoir des bibittes.»

J'ai envie de lui dire que j'en ai déjà, mais je suis trop fatiguée.

***

22h. Marie est gelée. Impossible de lui parler. Elle est avec une amie junkie. Je suis dans ma chambre. Elle m'appelle d'une voix traînante et empâtée.

«Michèèèle !»

J'arrive. Elle a une seringue dans la main. Elle l'enfonce dans sa langue. Ses pupilles sont dilatées, son regard halluciné.

- Marie, tu es trop gelée, ça m'inquiète.

- Je le sais.

Elle marche en zigzagant. Elle ne veut pas que j'appelle le 911. «Si tu le fais, je te frappe !» m'avertit Marie.

Je retourne dans ma chambre. «Michèle ! Michèèèle !» Marie cogne à ma porte. Encore et encore.

***

Hier, je n'ai pas vu Marie. Étrange, elle est toujours dans sa chambre ou dans le corridor. Aujourd'hui, pas de trace de Marie. Son chat miaule.

Et si elle était morte d'une overdose ? Elle est peut-être étendue sur son plancher, une seringue plantée dans le bras. J'alerte mes voisins.

Serge est content. «La police l'a embarquée, elle est en prison. Est ben là-bas, elle est nourrie, logée, dit-il avec un sourire mauvais. Bon débarras !»

Je vais au poste de police du quartier. Un policier me confirme qu'elle a été arrêtée. Il reste vague.

- Tu veux donc ben en savoir des affaires sur cette fille-là, me dit le policier en me lançant un regard soupçonneux. Je vais finir par me poser des questions sur toi.

- C'est ma voisine, elle est seule au monde. Elle aurait pu crever dans sa chambre.

- Perds pas d'énergie avec ça, explique le policier. Dis-lui : 'Quand tu seras prête, viens me voir, en attendant, arrange-toi avec tes troubles.' C'est de même que ça marche avec ce monde-là.

J'appelle la prison pour femmes. Laconique à mort. «Je ne peux pas vous donner les noms des détenues, m'explique une dame. Et vous ne pouvez pas la visiter si vous n'êtes pas sur sa liste.»

Je reviens dans le bloc. Je croise le concierge. «Marie est dans un centre de désintoxication, dit-il. Elle vient de m'appeler. Ordre du juge.»

Il me confie qu'il a déjà été avec elle. Ils ont eu un enfant, un garçon. «Aujourd'hui, il a 23 ans. Je ne sais pas où il est. En prison, peut-être», laisse-t-il tomber.

Il hausse les épaules.

Depuis des années, Marie fait des allers-retours entre les rechutes et les thérapies.

«Elle va passer un bout de temps en désintox, poursuit le concierge. Elle va engraisser, puis elle va sortir de bonne humeur. Est-ce qu'elle va replonger ? Je le sais pas. Peut-être que cette fois-ci ça va marcher.»

Il hausse de nouveau des épaules.

- Qu'est-ce qu'on fait avec le chat de Marie ? Il est enfermé dans l'appartement, il miaule, il a faim.

- J'sais pas, répond le concierge.

Il est occupé, c'est le premier du mois, il aide la propriétaire à collecter les loyers. Les chèques d'aide sociale viennent de rentrer, l'atmosphère dans le bloc est fébrile.

La propriétaire s'est installée dans un petit bureau au 2e étage. La fenêtre sale donne sur les rues étroites du Centre-Sud. Les locataires défilent. Certains essaient d'obtenir un délai.

Serge sort justement de son bureau, sourire carnassier accroché au visage. Denis déboule dans ses jeans archi moulants et sa chemise à carreaux. Il est fébrile et soûl. Il est à peine midi.

- Tu es au courant pour Marie ?

Denis me regarde avec des yeux égarés. Il tourne les talons sans me répondre et traverse le corridor d'un pas chancelant qui en dit long sur sa consommation de bières.

Personne n'a le temps de s'apitoyer sur le sort d'une prostituée.

La propriétaire veut vider son logement. «C'est pas un borrrdel ici», dit-elle avec un accent russe à couper au couteau.

- Et le chat ?

Elle ne répond pas. Le concierge, lui, hausse les épaules. Encore. Il trottine derrière la propriétaire qui cogne aux portes des locataires pour ramasser les loyers.

C'est la première fois que je le vois presser le pas.

* Les noms ont été changés pour préserver l'anonymat.