Le conseiller du Plateau-Mont-Royal, Michel Labrecque, est un usager du métro et du vélo par conviction. Il était donc écrit dans le ciel qu'il deviendrait un jour le grand patron de la Société de transport de Montréal. C'est fait. Mais sa nomination arrive alors que la STM doit réduire ses dépenses de 40 millions. Avec sa détermination tranquille, M. Labrecque espère que la raison va finir par l'emporter. Le gouvernement libéral doit aider la STM pour ne pas nuire à l'essor des transports en commun, comme l'avait fait la réforme Ryan en 1992. Le Québec n'a pas d'industrie automobile, dit-il. Investir dans les transports en commun, «c'est 100% bon» pour le développement économique.

Q Monsieur Labrecque, la population veut un réseau de transports en commun fiable et de qualité, mais la situation financière de la STM est instable. réalisez-vous l'ampleur des besoins de la population?

 

R Je mesure la pulsion. Il y a un changement générationnel. La génération qui va au cégep est plus motorisée que nous mais, en même temps, il y a comme un désir de passage à l'acte. On part de loin. Le vélo était un jouet pour enfant et le transport collectif était considéré comme pépère. Mais là, les gens ont le goût d'embarquer.

Q Au début de 2008, la STM avait connu une croissance fulgurante de la fréquentation, de 7 à 8%, mais a conclu l'année avec 4%. Vous prévoyez 2% en 2009. l'impact des services mis en place depuis l'an dernier s'essouffle-t-il ?

R La variation de la fréquentation est multifactorielle. Un des facteurs, c'est le cycle économique. Actuellement, on est dans nos cibles. Une deuxième génération arrive, notamment les services rapides par bus. Les mesures prévues vont être appliquées. On vient d'acheter des petits bus pour les circuits populaires, comme les navettes Or. Nos nouveaux bus vont permettre d'améliorer le service 30 minutes avant et après les heures de pointe.

Q Le chef de l 'opposition de montréal, Benoit labonté, a demandé à l'administration tremblay- Dauphin de surseoir à la coupe de 40 millions. il affirme que cette décision est incohérente avec le Plan de transport de montréal. Qu'en pensez-vous?

R La Ville maintient 100% de l'argent promis, soit 332 millions, mais demande un effort. Il n'y aura ni réductions de services ni augmentation de tarifs. On maintient les améliorations. On remet le dossier du financement du transport collectif sur la table. Ce n'est pas possible, après tant d'années, de ne pas avoir de revenus spécialement affectés, indexés et récurrents. Il faut trouver une solution stable.

Q Obtenir de 30 à 55 millions de Québec suffirait-il pour résoudre le déficit de 38 millions?

R C'est ça. Mais on ne demande pas à Québec de nous effacer l'affaire. La contribution régionale de 56 millions n'a pas bougé depuis 12 ans, tout comme le 1,5 cent sur le litre d'essence et les 30$ d'immatriculation. Les usagers qui prennent le métro ont fait leur part. La Ville aussi, en haussant ses contributions à la STM.

Q Québec prévoit investir 1,1 milliard dans les réseaux de transports collectifs de la province, cette année, mais peine à assurer 55 millions à la métropole. Pourquoi estce si difficile de convaincre le gouvernement de vous donner les moyens de réaliser les objectifs que lui-même s'est fixés?

R C'est historique. En 1992, la réforme Ryan a été très dure. Le gouvernement s'est désengagé des opérations. Il y a eu un déclin dans les services, une baisse du service et de l'achalandage. On est dans une dynamique de plan vert et d'investissement. Il reste un pas à franchir. Si on réussit à avoir une cohésion dans la région métropolitaine, on trouvera une solution avec Québec.

Q Mais la ministre Julie Boulet dit qu'elle attend les propositions de la STM. Est-ce frustrant de se faire dire que la balle est dans votre camp?

R La balle est avec le Ministère et les autres sociétés de t ranspor t . On conna ît les options pour financer les transports en commun : la taxe sur la masse salariale, comme en France; les vignettes sur l'achat d'un second véhicule, comme en Scandinavie. Il y a aussi les péages et la taxation spécifique sur l'essence

Q Quand ce problème de financement sera-t-il réglé?

R On est dans un scénario d'ici juin. On a demandé à revoir le mandataire du gouvernement. Il y aura des réunions toutes les deux semaines avec des fonctionnaires.

Q Peut-on éviter une hausse des tarifs le 1er janvier 2010?

R Je ne le dirai pas une année d'avance. On est dans un scénario où les usagers ont fait leur part et vont faire leur part. Notre plateforme (électorale) n'est pas écrite. Aux dernières élections, on avait indiqué que les hausses de tarifs seraient à l'intérieur de l'Indice des prix à la consommation pour le transport. C'est ce qu'on a fait.

Q La STM aura besoin de centaines de millions pour remplacer les voitures MR-63 du métro et les autobus. La modernisation des trains de banlieue va prendre une partie des milliards de la Politique québécoise sur les transports collectifs. Après, il faudra remplacer les MR-73. comment comptez-vous financer tout ça ?

R Je ne me battrai pas avec l 'AMT si el le a plus de trains. Pour moi, c'est tout bon : du point de vue du développement durable et du point de vue des manufacturiers québécois, dans le développement d'expertise et le génie-conseil. C'est 100% bon. On n'a pas d'industrie automobile. On n'a pas de pétrole. On a des fabricants d'autobus. On a Bombardier et Alstom qui se sont mis ensemble. On fait travailler des gens. On développe des systèmes. D'ici 25 à 50 ans, les villes du monde vont avoir besoin de systèmes performants en transport collectif.

Q Malgré la crise, est-ce le temps de dépenser des dizaines de millions en études pour le tramway, alors qu'on pourrait utiliser ces sommes pour améliorer le réseau actuel ?

R Oui, car le retour du tramway, c'est le retour d'une nouvelle culture urbaine. Il faut aller de l'avant.

Q Il y a eu beaucoup de plaintes cet hiver contre les services de la Stm. l'hiver prochain, ce sera impeccable ?

R Ce n'est pas le mot que j'utiliserais.

Q Optimal ?

R Il sera plus prévisible.

Q Qu'est-ce que vous souhaitez le plus réaliser durant votre mandat ?

R Pour les générations qui viennent, préparer un meilleur service de métro, solidariser nos différents partenaires et améliorer l'accueil de la clientèle.

Q On vous souhaite bonne chance ?

R On n'a pas besoin de chance, mais de l'appui et des efforts de toutes les personnes qui croient dans les transports en commun. Peut-être que des automobilistes vont râler, mais c'est l'avenir économique, environnemental de la région métropolitaine et de tout le Québec. Pour moi, le financement, l'acquisition d'équipements, c'est structurant. C'est tout bon pour le Québec, de A à Z.