Certains jours, la mère de Cynthia Lapointe, qui habite à Alma, lui téléphone pour lui demander si elle a passé une bonne journée au travail. Ça, c'est la raison officielle. Cynthia Lapointe n'est pas dupe. Elle sait bien que la vraie raison de l'appel de sa mère, c'est de s'assurer qu'elle est revenue à la maison et qu'elle est en sécurité.

Sur papier, Cynthia Lapointe ne fait pas un métier dangereux: agente de relations humaines pour la protection de la jeunesse, à Montréal.Ce que cela signifie au quotidien, cependant, c'est qu'elle se rend chez des gens, chez des gens souvent noirs de colère de la voir arriver chez eux. Des parents ciblés par la DPJ qui maltraitent leurs enfants et qui voient d'un mauvais oeil qu'une étrangère vienne leur faire la leçon. Et vous en avez, vous, des enfants? Et vous avez quel âge au fait, vous, la petite jeune? (Vingt-six, soit dit en passant.) Et vous faites quoi, là? La valise de mon enfant?

Il arrive aussi, exceptionnellement, qu'une mère passe sur la table de cuisine, prête à sauter au cou de Cynthia Lapointe. Ou qu'une femme, tout en discutant, frappe à répétition quelque chose au sol. Qu'y a-t-il donc, madame? Ce qu'elle a, la dame, ce sont des coquerelles, plein de coquerelles chez elle.

Raconté comme cela, il n'y a rien là-dedans de très rassurant pour une maman consciente que sa fille, contrairement aux policiers, n'est pas armée.

Les risques du métier - amoindris par maintes précautions, assure Cynthia Lapointe - lui apparaissent cependant bien secondaires quand elle évoque par exemple les deux petites filles qu'elle suit depuis deux ans. Mais encore là, ce n'est pas simple. Qu'est-elle pour ces enfants? «Je leur dis que je ne suis pas leur amie, que je suis leur intervenante sociale. Je suis là pour qu'elles soient en sécurité.»

Assurer la sécurité d'enfants, cela signifie parfois de passer de longues journées au tribunal de la jeunesse à dire si la DPJ peut oui ou non se retirer d'un dossier. À répondre aux questions de l'avocat du père, à celui de la mère qui en engage un pour elle quand les parents sont séparés, à répondre aux questions de l'avocat qui représente l'enfant.

Parfois, assurer le bien-être d'un enfant, cela signifie d'accompagner des parents à l'épicerie et leur faire comprendre qu'un petit-déjeuner composé de croustilles et de coca-cola, ce n'est pas une bonne idée.

Des visites à domicile par ci, une épicerie par là, un témoignage en cour un autre jour. Rien de glamour, a priori. Tout cela, cette jeune femme originaire du Lac-Saint-Jean le fait pourtant avec un tel tact qu'après seulement deux ans à l'emploi de la protection de la jeunesse, elle s'est déjà fait remarquer par ses pairs.

Quand on est plus habituée à être reçue avec une brique et un fanal au quotidien, voilà un petit baume qui fait du bien. Et qui mérite un petit coup de fil à maman!