Un travailleur de la construction, père de cinq enfants, se trouve dans le coma depuis près de deux semaines après avoir reçu un bloc de glace sur la tête dans le chantier du futur centre de recherche du CHUM.

Les médecins de Serge Provost, mécanicien-vitrier de 56 ans, qualifient son état de critique. Lundi, la famille avait accepté de débrancher les appareils qui le maintiennent artificiellement en vie, mais la décision a été reportée in extremis après que le blessé eut brièvement ouvert les yeux. «Le miracle, je n'y crois pas, admet toutefois sa femme, Lise Douville. Depuis le début, les médecins nous prédisent le pire. Toute la famille se trouve dans une situation de stress extrême.» Tous les tests d'activité cérébrale montrent que les chances de l'homme de sortir indemne du coma sont pratiquement nulles. La famille devra prendre une décision aujourd'hui.

Il s'agit au moins du troisième accident causé par la chute d'objets dans le chantier de cet immeuble de 15 étages, confié au consortium Pomerleau-Verreault. En novembre dernier, au moins quatre véhicules qui circulaient sur l'avenue Viger, près de la rue Saint-Denis, ont été endommagés par du béton tombé du 13e étage. En août, au même endroit, une poutre d'aluminium de 6 m s'est écrasée sur le coffre arrière d'un taxi. Aucun des deux incidents n'avait fait de blessé.

Le 12 janvier, M. Provost était à bord d'une nacelle à l'un des étages inférieurs lorsque des employés qui, plus haut, s'affairaient à déplacer des toiles ont provoqué la chute de glace.

Pas de périmètre de sécurité

«Il s'agit d'une manipulation accidentelle. Les travailleurs ne manipulaient pas spécifiquement de la glace», assure Joël Rochon, porte-parole du consortium Pomerleau-Verreault.

La CSST a ouvert une enquête. Mais le syndicat des mécaniciens-vitriers, affilié à la FTQ, dénonce le fait qu'aucun périmètre de sécurité n'avait été établi pour avertir les travailleurs que des «travaux superposés» se déroulaient à cet endroit. Cette information n'a toutefois pu être confirmée auprès de Pomerleau-Verreault.

«C'est un accident qui aurait pu être évité», soutient Carl Gagnon, représentant syndical de la FTQ-Construction, qui se trouvait dans le chantier lors de l'accident. «Comme il n'y avait pas de périmètre de sécurité, il n'y avait aucune raison pour que M. Provost s'inquiète d'un danger particulier.»

«En 20 ans de métier, j'en ai vu tomber des choses des grues, mais jamais autant que dans ce chantier-là, affirme un autre travailleur, qui a joint La Presse. C'est un chantier qui roule à fond de train. Les gars sont nerveux, on surveille tous ce qui se passe au-dessus de nos têtes.»

La femme de M. Provost, Lise Douville, a demandé une rencontre avec les responsables de Pomerleau-Verreault pour qu'on lui explique «ce qui a provoqué ce cauchemar». Selon elle, l'entreprise a agi de façon exemplaire à la suite de l'accident, en offrant notamment de l'aide financière à la famille.

«On sent que ce sont tous des humains et qu'ils sont eux aussi sous le choc. Mais je ne peux pas accepter qu'on me dise que c'est un act of God. Je suis portée à croire que les règles de sécurité n'ont pas été respectées. Ils vont devoir me convaincre du contraire.»