Les informations obtenues par notre chef de bureau à l'Assemblée nationale, De nis Lessard, révélant une explosion des coûts des deux grands projets hospitaliers de Montréal suscitent une inquiétude certaine. Le cas du métro de Laval se répétera-t-il, en quatre fois plus cher?

Paradoxalement, la mauvaise nouvelle en cache une bonne: si la facture totale des deux projets est aujourd'hui estimée à plus de trois milliards, c'est que le gouvernement s'est assuré de la mesurer avec une rigueur peu commune. Placé en charge de la réalisation des projets, l'ingénieur Clermont Gignac a forcé les promoteurs à revoir tous leurs calculs et tous leurs plans. Il a accru les coussins pour contingences et tenu compte de l'inflation. D'où un coût pour chacun des projets de 1,7 milliard, plutôt que le 1,1 milliard claironné par les responsables des projets. Depuis qu'on est arrivé à ce chiffre, les deux hôpitaux planchent pour réduire leurs appétits et trouver de nouvelles sources de revenus. Néanmoins, il est certain que l'État québécois devra verser davantage que les 800 millions par projet prévus à l'origine; sa contribution dépassera vraisemblablement le milliard. C'est énorme, mais il s'agit de deux projets essentiels pour le système de santé du Québec. Et au moins, à la suite du travail fait cet hiver, les risques de mauvaises surprises sont sensiblement réduits. Les projets sont maintenant sous contrôle.

Reste à savoir si le gouvernement choisira de gérer la construction des futurs CHUM et CUSM (Centre universitaire de santé McGill) de manière conventionnelle ou en partenariat public-privé (PPP). S'il décide d'emprunter la seconde voie, il s'expose à l'opposition féroce des syndicats, qui ont fait de la lutte aux PPP leur nouvelle religion. Le syndicaliste Marc Laviolette a déjà annoncé ses couleurs à cet égard, affirmant que «le gouvernement est en train de démolir tout notre système de santé». Rien de moins.

Profitant de son statut de «représentant de la population» au conseil d'administration du CHUM, M. Laviolette jouera sans doute un rôle de premier plan dans ce débat, mettant à profit l'éloquence qu'on lui connaît. Il faudra garder à l'esprit que seulement 110 personnes ont participé au scrutin pour les deux « représentants de la population » au c.a. du CHUM, en octobre 2002. M. Laviolette est arrivé deuxième avec... 23 votes. Cela étant, représente-t-il la population ou la CSN? Ou encore le Parti québécois, où il milite également?

Cela dit, s'il n'y a pas de raison de s'opposer systématiquement et automatiquement à tout PPP, il n'y en a pas non plus de voir dans cette formule une recette miracle. L'expérience européenne, où de nombreux établissements publics et infrastructures ont été construits en PPP, montre que si elle peut très bien fonctionner, cette méthode n'est pas sans désavantages, à commencer par sa complexité. Pour cette raison, le gouvernement impliqué doit posséder une solide expertise dans le domaine afin d'être en mesure de bien comprendre dans quoi il s'engage pour les 30 ou 40 prochaines années.

Or, le gouvernement québécois est un novice en la matière. À prime abord, sous réserve de prendre connaissance des analyses que Québec publiera, il nous paraît fort risqué de faire de deux projets aussi imposants que ceux-ci les cobayes de la formule PPP au Québec.