Le gouvernement Charest revient à la case départ. Après une lutte qui aura duré près d'un an entre les tenants du 1000, Saint-Denis et ceux de la gare de triage d'Outremont, Québec penche finalement pour le CHUM au centre-ville.

Comme La Presse le révélait la semaine dernière, le premier ministre Jean Charest et son ministre de la Santé et des Services sociaux, Philippe Couillard, doivent annoncer en grande pompe ce matin à Montréal que le CHUM verra le jour au 1000, Saint-Denis, l'actuel hôpital Saint-Luc. Avec des budgets totalisant plus de 2,2 milliards, le CHUM et le Centre universitaire de santé McGill constituent les deux projets de la prochaine décennie dans la métropole.

Pas moins de 150 personnes ont été conviées à assister à cette annonce d'envergure. Le directeur général du CHUM, Denis Roy, le président du conseil d'administration, Me Patrick Molinari et le recteur de l'Université de Montréal, Robert Lacroix, sont du nombre.

Après bien des tergiversations, le gouvernement choisit donc de construire au centre-ville un CHUM de 700 lits sur un site unique, sur les terrains occupés par l'actuel hôpital Saint-Luc. Selon la direction du CHUM, les travaux pourraient débuter dès l'automne pour permettre au centre hospitalier d'accueillir ses premiers patients en 2010.

À pareille date l'an dernier, la commission Mulroney-Johnson recommandait une première fois que le futur CHUM soit construit au centre-ville. Deux mois plus tard, le ministre Philippe Couillard entérinait cette recommandation, laissant toutefois la porte ouverte à un autre projet.

Cet autre projet, c'est celui à la gare de triage d'Outremont. Le recteur sortant de l'Université de Montréal, Robert Lacroix, projetait d'y construire un technopôle du savoir et de la santé en regroupant le CHUM, le centre de recherche ainsi que les facultés de médecine, d'optométrie et des sciences infirmières.

Dès février 2004, le recteur a d'ailleurs demandé l'aide de Paul Desmarais père pour l'appuyer dans ses négociations avec le Canadien Pacifique afin que l'Université se porte acquéreuse de la gare de triage.

Par la suite, il a travaillé en coulisses pendant des semaines, s'alliant de nombreuses personnalités du monde des affaires pour l'aider à promouvoir son projet auprès des décideurs. Ce n'est toutefois qu'en novembre que les bases de ce technopôle ont été présentées au grand public.

Au fil des semaines et des échos qui filtraient, des inquiétudes et des dissensions ont fini par éclater au grand jour dans la population, mais aussi chez les élus.

Même le Conseil des ministres semblait divisé sur la question: le ministre Couillard se montrait favorable au projet du centre-ville, tandis que le premier ministre Charest semblait avoir un penchant pour la gare de triage d'Outremont.

«C'est certain que ça donne une drôle d'impression dans le public lorsqu'au sein du même gouvernement, au plus haut niveau sur un dossier chaud, vous avez deux tendances qui s'opposent», commente le vice-président de la maison de sondage CROP, Claude Gauthier.

En décembre dernier, la décision semblait imminente, mais face à la grogne qui s'intensifiait, le gouvernement a plutôt décidé de commander un nouveau rapport, cette fois à deux anciens ingénieurs de SNC-Lavalin, Guy Saint-Pierre et Armand Couture.

Loin de calmer le débat, leur recommandation en faveur du CHUM à Outremont a jeté de l'huile sur le feu. Plusieurs questions concernant la voie ferrée, le transport de matières dangereuses, la décontamination et les coûts restaient encore sans réponse.

Pressé de toutes parts, le gouvernement a finalement annoncé la tenue d'une commission parlementaire de quatre jours. Mascarade orchestrée aux yeux de certains partisans d'Outremont déçus de la tournure des événements, cette commission aura surtout permis au gouvernement de valider les arguments en faveur du CHUM au centre-ville.

L'intervention de l'ancien premier ministre Daniel Johnson, qui a démoli avec aplomb le projet à la gare de triage d'Outremont, a été l'élément fort de ces audiences, finissant de clouer le cercueil du projet piloté par le recteur Lacroix.

«L'intervention de M. Johnson a joué un rôle important. Il est venu conforter les tenants de Saint-Luc et surtout, déstabiliser les raisons de construire à Outremont», analyse M. Gauthier.

Cette commission a aussi profité au ministre de la Santé qui a gagné quelques galons de plus. Par leurs interventions, les députés libéraux qui siégeaient ont tous semblé se ranger derrière le ministre qui, à la fin des travaux, a indiqué que certains doutes subsistaient concernant la sécurité et les coûts à Outremont. Quelques jours plus tard, le premier ministre a lui-même sonné le glas du projet à la gare de triage, laissant pressentir l'annonce d'aujourd'hui.

«On va prendre une décision basée sur notre capacité de payer, les besoins du Québec et la fierté d'être les premiers en terme de recherche médicale», avait-il soutenu.

Les études

> Plus de 64 millions de dollars ont été dépensés au cours des quatre dernières années pour des études sur le CHUM.

> Pas moins de 53 études ont été rendues publiques en février dernier, reflétant les travaux menés depuis 2003 afin dévaluer les risques, les coûts et la sécurité associés aux différents emplacements envisagés pour la construction du CHUM.

> En un an, le gouvernement a commandé quatre rapports : celui de la commission Mulroney-Jonhson, lavis de Daniel Johnson et le rapport du comité interministériel penchaient en faveur du 1000, Saint-Denis tandis que le rapport de Guy Saint-Pierre et Armand Couture favorisait Outremont.