Le gouvernement Charest a terminé sa réévaluation des coûts des deux hôpitaux universitaires de Montréal: la facture sera «d'au moins» 1 milliard plus élevée que prévu. Cette explosion des coûts poussera Québec à recourir à des partenariats public-privé (PPP).

Deux mémoires ont été soumis à la dernière réunion du Conseil des ministres, a appris La Presse de sources sûres. Le premier, venu de Philippe Couillard, établit les nouveaux paramètres financiers des deux projets, le CHUM et le CSUM, estimés à 1,1 milliard chacun, il y a un an.

L'estimation encore «préliminaire» de Clermont Gignac, affirme que le CHUM coûtera au moins 1,7 milliard et le CSUM 1,6 milliard.

Et c'est sans compter la facture de 200 millions du Centre mère-enfant de Sainte-Justine, et surtout, la note «de quelques centaines de millions» que devra payer Québec pour le financement à court terme, une fois qu'il aura donné le feu vert à cette aventure.

Ces nouveaux chiffres, résumés dans le mémoire de M. Couillard, vont être transmis tout prochainement aux établissements- le CHUM doit d'ailleurs tenir, ce soir, une réunion de son conseil d'administration.

Dans un entretien accordé hier à La Presse, M. Couillard a refusé de confirmer les prévisions de son mandataire. Plus tôt, en conférence de presse, il avait soutenu qu'il espérait «donner bientôt le feu vert au début des travaux dans les deux sites». En fait, a-t-il précisé par la suite, il faisait allusion, pour le CHUM, à l'acquisition nécessaire de bâtiments voisins de l'hôpital Saint-Luc, ainsi qu'à la transformation ou la démolition de certains édifices vétustes de ce même secteur.

Les appels d'offres susceptibles d'être lancés dans les prochains mois ne toucheront que ces «phases» préliminaires. Car, pour le coeur du projet, il faudra attendre que Québec ait mené à terme le processus compliqué de sollicitation des candidats pour un PPP, a-t-on appris par ailleurs.

La semaine dernière, le Conseil des ministres n'a pas statué sur le second mémoire, soumis pour réflexion plutôt que formellement déposé par la présidente du Conseil du Trésor, Monique Jérôme-Forget, responsable de l'ensemble des infrastructures au gouvernement.

Recours «sans réserves» à des PPP

Devant la croissance des coûts, le Trésor y préconise, «sans réserves» dit-on, le recours à des PPP pour l'exécution de l'essentiel des travaux de ces hôpitaux universitaires. Une fois la décision prise au Conseil des ministres, le processus de PPP sera très rapidement enclenché, assure-t-on.

Partisane des partenariats public-privé, Mme Jérôme-Forget pousse très fort, selon nos sources, pour que Québec adopte ce processus qui assure que le gouvernement n'aura pas de mauvaises surprises à la fin des travaux.

Avec un PPP, «on sait combien cela va coûter avant de faire la première pelletée de terre», martèle-t-elle auprès de ses collègues, a-t-on appris.

Dans le cas du CHUM, une question importante reste à trancher toutefois. Il faut déterminer s'il vaudrait mieux recourir au processus habituel pour la partie «rénovation» de l'hôpital francophone- construit à partir de l'hôpital Saint-Luc. Comme dans un PPP le secteur privé fait assumer par le gouvernement les risques associés au chantier, la facture peut grimper vite pour des réfections. Pour une rénovation, en effet, les risques de sous-évaluer les coûts sont bien plus élevés que pour une construction neuve.

Actuellement 32 hôpitaux sont en construction en France, tous en PPP. En Ontario, où les libéraux de McGuinty s'étaient prononcés contre les PPP, tout se fait désormais en partenariat public-privé, construction comme rénovation.

Couillard favorable aux PPP

Hier M. Couillard a précisé qu'environ 20 % du projet du CHUM passait par la rénovation de bâtiments existants. Le ministre de la Santé paraît lui aussi acquis au PPP, qui permettrait, selon lui, de respecter les budgets et probablement l'échéancier de 2010-2011. Le temps supplémentaire nécessaire à la préparation du projet est compensé par une exécution plus rapide une fois les travaux enclenchés, a expliqué le ministre à La Presse.

«Le PPP n'est ni le paradis ni le diable. Il y a des avantages pour le contrôle des coûts, des échéanciers et sur le maintien d'actif- le privé s'engage à entretenir à long terme son édifice. Mais il faut bien réfléchir au préalable sur le type de partenariat que le gouvernement cherche. C'est une tendance internationale, la plupart des grands hôpitaux sont construits comme ça. On a un préjugé favorable pour cette formule», de soutenir M. Couillard.

Déjà il y a deux semaines, chez les apparatchiks libéraux, informés des intentions du premier ministre, on estimait que le recours au PPP était acquis.

C'est d'ailleurs, explique-t-on aujourd'hui, ce que voulait dire le premier ministre Charest quand, devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, il s'est engagé à ce que son gouvernement réalise les hôpitaux universitaires. Au préalable toutefois, a-t-il insisté, le gouvernement veillera à «mettre sur pied un mode de gestion efficace pour la bonne marche des travaux» et «un mode de financement pour le contrôle des coûts».

Comme l'avait fait M. Charest, Philippe Couillard s'est engagé à ce que les projets soient menés à terme. Québec ira de l'avant, a-t-il assuré en conférence de presse. Ne pas le faire condamnerait le réseau de la Santé «à 25 ans de rénovations ininterrompues dans tous les sites hospitaliers de Montréal». Du coup, la métropole perdrait son leadership international dans le secteur biomédical, a-t-il fait valoir.