C'était en juin 1999. C'était dans un joli aréna de la banlieue de Denver. Les gars de l'Avalanche venaient de conclure leur entraînement quand Patrick Roy, le grand Patrick Roy, m'avait confié le genre de chose que les grands n'avouent pas souvent.

Il avait des regrets.

«Avec le temps, j'y ai pensé. Et, oui, je regrette d'avoir agi de cette façon. J'aurais bien aimé finir ma carrière à Montréal...»

 

«Cette façon», c'était bien sûr la façon dont il s'était sorti lui-même du maillot bleu, blanc et rouge. Les images de cette querelle avec Mario Tremblay, on les a vues au moins 1000 fois. Inutile d'en rajouter. Mais ce jour-là au Colorado, pour la première fois peut-être, Patrick Roy avait montré une autre facette de sa personnalité.

Un Patrick Roy pensif. Un Patrick Roy fragile qui avait des regrets. Dur à croire, mais c'est ce Patrick-là que j'avais devant moi au Colorado. Pas le saint Patrick arrogant qui aimait faire des clins d'oeil et qui promettait d'aller à Disneyland avec la Coupe.

À Denver, les fans l'avaient vite adopté. John Elway venait tout juste de prendre sa retraite, et les fans avaient besoin d'un autre dieu. Au lieu d'un dieu sur crampons, ils se sont trouvé un dieu sur patins.

Patrick Roy n'a peut-être pas été aussi immense que John Elway à Denver - en fait, personne ne sera jamais aussi immense que Elway à Denver - mais le temps de quelques printemps, c'est Roy qui était LE joueur vedette là-bas. Dans les journaux, c'est sa face qu'on voyait en gros. À la télé, c'est son anglais pimenté d'un gros accent québécois qu'on entendait sur toutes les chaînes.

Et lors des matchs, il y avait un chandail qu'on voyait un peu partout dans les gradins: le 33.

Il n'aimait pas ça. Il me disait parfois qu'il n'aimait pas attirer toute l'attention, parce que chez l'Avalanche, «il n'y a pas que moi.» C'était vrai. Dans ce vestiaire-là, il y avait des Sakic, des Fleury et des Forsberg... mais c'était quand même lui qu'on s'arrachait.

Au final, Roy a gagné autant de fois la Coupe Stanley à Denver qu'à Montréal. Mais son impact est encore plus grand. Son impact, c'est d'avoir contribué à faire de l'Avalanche une équipe importante dans une ville folle de football. Patrick Roy, c'est celui qui a permis de vendre le hockey au pays des Broncos.

Exploit? Pas à peu près.