Par une soirée moite de juin, quelques adolescents traînent dans le stationnement d'une station-service à l'angle des boulevards des Laurentides et Concorde, dans le quartier Pont-Viau.

«Ici, c'est un spot de chilling», lance Sophie Archambault, 25 ans, intervenante de rue au Trill (Travail de rue île de Laval).

Dans le jargon, ça signifie un lieu de rassemblement. Une dizaine de jeunes traînent autour des deux ou trois voitures dans lesquelles ils s'entassent. Ils n'achètent pratiquement rien au dépanneur.

Ils fument - joint ou cigarettes -, font quelques téléphones, puis disparaissent en faisant parfois crisser leurs pneus.

Comme chaque soir, Sophie et la petite équipe d'intervenants du Trill font leur tournée de ces lieux de rencontre. Ils tentent d'établir un contact, un lien de confiance. La clientèle des intervenants du Trill se divise en deux groupes: les jeunes (12-16 ans) et les vieux (17-21 ans).

Les plus jeunes - de bonne famille pour la plupart - vivent des problèmes propres aux adolescents: drogue, peines d'amour etc. Chez les plus vieux, on s'attaque au risque de vagabondage propre aux banlieues, c'est-à-dire caché.

Les jeunes traînent dans quelques parcs du coin, mais surtout dans les deux restaurants Tim Hortons du boulevard des Laurentides, ouverts jour et nuit.

Les intervenants du Trill font leur tournée deux par deux. Ils sont seulement une poignée pour couvrir l'immense territoire de Laval. Faute d'effectifs et de temps, ils concentrent leurs efforts sur les quartiers Pont-Viau et Chomedey, secteurs chauds de l'île.

Dans sa tournée, Sophie est souvent accompagnée d'un autre intervenant au nom prédestiné: Denis Larue-Fréchette.

Ils se mettent en marche autour de 16, 17h, l'heure à laquelle la street life débute, explique Sophie. Leur mission: améliorer la qualité de vie des jeunes. Rien de moins. «Nous, on est des semeurs. Ensuite, c'est la responsabilité des jeunes d'entretenir la semence qu'on a mise dans leur tête», illustre Sophie, l'air un peu bohème avec ses tatouages et sa moto. Son collègue Denis a l'air tout aussi marginal avec son crâne rasé et ses perçages.

Au parc René-Patenaude, les intervenants tentent une approche indirecte auprès d'un groupe. Ils prennent s'assoient un banc, bien visibles, et observent. «Si quelqu'un nous fait signe, on y va, sinon on reste à l'écart. Ils ont peut-être le goût de fumer un joint tranquillement.»

Soudain, Alain et son ami Olivier, des habitués du Trill, viennent à la rencontre des deux intervenants. Dans la jeune vingtaine, ils ont l'air de deux sans-abri. «Hey, je suis pété, man, je suis fatigué!», marmonne Alain.

L'autre, Olivier, les dents pourries, raconte à Sophie sa rencontre avec sa mère après des mois de séparation.

Il explique qu'il s'entasse avec quatre autres personnes, dont un bébé, dans un appartement du secteur. Il dit qu'il fait sa part du ménage et veut se prendre en main pour suivre un cours de carrosserie.

À ses côtés, Alain jette des regards nerveux autour de lui. Il a l'argent de l'aide sociale dans ses poches et craint de se faire voler.

Les deux amis quittent le parc.

Sophie et Denis sont satisfaits.

Un lien de confiance s'installe.