L'agence de sécurité BCIA surveille le quartier général de la police de Montréal depuis 2006 sans approbation des élus, a appris La Presse. La situation est à ce point singulière que les avocats de la Ville passent le dossier au crible.

«Il n'y a pas eu de résolution (pour accorder le contrat à BCIA), a indiqué hier une porte-parole de la Ville, Isabelle Poulin. Un tel document n'existe pas. Je vous informe que le contentieux de la Ville analyse le dossier.»

Depuis 2006, la Ville aurait dû demander l'autorisation des élus trois fois, en fonction des échéances des contrats, soutient Vision Montréal. Le parti de l'opposition envisage de porter plainte au ministère des Affaires municipales.

BCIA est cette firme qui a assuré gratuitement la surveillance de la maison de Frank Zampino à compter de 2006, selon ce qu'ont affirmé à La Presse quatre anciens employés. Ce service lui a été rendu pendant qu'il était président du comité exécutif de la Ville et après sa démission, en 2008 (il a été impossible de recueillir la version de M. Zampino).

La Presse a aussi révélé, hier, que le président de BCIA, Luigi Coretti, a eu des contacts personnels avec Yvan Delorme avant qu'il ne soit nommé chef du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), en 2005. Selon deux ex-policiers, M. Coretti a invité M. Delorme au restaurant au moins deux fois.

Transfert non approuvé

La Ville de Montréal a accordé le premier contrat de surveillance des bâtiments du SPVM en décembre 2003 à l'agence de sécurité Unique. Le contrat de 2,3 millions avait une durée de quatre ans.

En 2006, Unique a vendu ce contrat à BCIA. Aucune résolution n'a été votée au conseil municipal ou au conseil d'agglomération pour entériner ce transfert, une situation que Vision Montréal juge anormale.

Le contrat a pris fin en 2007. Normalement, la Ville aurait dû lancer un appel d'offres pour le renouveler. BCIA a plutôt continué à surveiller les locaux de la police sans aucun appel d'offres ni décision des élus. Le comité exécutif de la Ville a autorisé le lancement d'un appel d'offres seulement en avril 2009.

Il a toutefois attendu la date limite du 24 septembre, quatre mois plus tard, pour soumettre sa recommandation aux élus. Le contrat, d'une durée de deux ans, a été accordé à l'agence de sécurité Cartier, plus bas soumissionnaire, pour 1 751 990$.

Curieusement, personne à la Ville n'en a soufflé mot à Cartier. «Dans notre dossier, il est indiqué que Cartier a été avisée de l'octroi du contrat seulement en octobre-novembre. Il était trop tard», nous indique le syndic Michel Thibault, de Raymond Chabot.

En décembre, Cartier s'est mise sous la protection de la Loi sur la faillite et n'a donc jamais fait le travail.

BCIA a poursuivi la surveillance. Depuis le 24 septembre, la Ville n'a toujours pas validé l'attribution du contrat à BCIA.

Situation similaire à Outremont

Outremont a vécu une situation semblable, mais a réagi bien autrement. En septembre, cet arrondissement avait aussi donné un contrat de surveillance à Cartier. Devant l'insolvabilité de l'agence, Outremont a avalisé le transfert du contrat à Garda dans un vote en bonne et due forme, en février.

Comment expliquer que BCIA surveille toujours les locaux de la police sans résolution? «Je ne peux malheureusement pas vous donner d'explication à ce sujet», a dit Claude Trudel, membre du comité exécutif de l'administration Tremblay et responsable de la commission de la sécurité publique.

«Je n'étais pas responsable de la sécurité publique lorsque le contrat de surveillance du SPVM a été accordé (le 24 septembre dernier). Je sais de quoi vous me parlez, mais je ne pourrais pas vous dire», a dit M. Trudel hier.

Réal Ménard, conseiller du parti de l'opposition Vision Montréal, a posé des questions à ce sujet à une assemblée de la commission de la sécurité publique, jeudi soir et hier matin: «Comment se fait-il que BCIA a pu avoir un mandat de surveillance au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) sans qu'un contrat formel ait été accordé par le conseil municipal et par le conseil d'agglomération?» a demandé M. Ménard.

Contrat très complexe

Le directeur du SPVM, Yvan Delorme, lui a répondu qu'il était disposé à venir expliquer les détails du contrat, «très complexe» selon lui, à une prochaine assemblée. M. Ménard a demandé qu'il soit accompagné de Luigi Coretti, propriétaire de l'agence BCIA.