«Je sais bien que c'est du pipeau, que les filles font toutes semblant d'aimer ça. Mais moi, tout ce que je demande, c'est de croire qu'il se passe quelque chose entre elles et moi. Je paye assez cher. En échange, je veux avoir l'impression que la fille que je baise, c'est ma blonde que je n'ai pas vue depuis deux mois.»

Célibataire, assez à l'aise financièrement, mais «incapable de cruiser une fille dans un bar», Mathieu n'est pas le genre à courir les rues pour trouver des prostituées. L'homme de 36 ans préfère de loin les escortes qui se déplacent à domicile - le «outcall» - et plus particulièrement celles qui se targuent d'offrir un service de type «Girl friend experience» (GFE, dans le jargon). Inexistant il y a quelques années, ce type de service est maintenant ce qui est le plus demandé dans les agences, explique Michelle, une courtisane indépendante.

«Quand la fille franchit le seuil de la porte, il faut que tu la traites comme si c'était ta blonde. Personnellement, je prends un douche avant qu'elle arrive, je me parfume et je m'assure que mon appartement est propre. Dès qu'elle entre, je lui offre un verre et j'essaie de la mettre dans une situation confortable», explique Mathieu, qui se paie ce « luxe » une dizaine de fois par année, parfois plus.

Une fois arrivée sur place, après cinq ou dix minutes de discussion, la prostituée appelle son chauffeur pour lui dire que tout est correct, et le couple passe à l'acte.

Les baisers avec la langue et fellations non protégées font généralement partie du service GFE. «Ça se passe vraiment comme une date, dit Vince. Il y a une dimension humaine à ces rencontres-là. Tu ne sais pas, mais tu espères que ça va cliquer. Et si ça clique, le sexe est généralement vraiment bon».

Vince et Mathieu croient même arriver à faire jouir certaines escortes à l'occasion. «Quand elles ont les cuisses qui vibrent, ça ne ment pas, me semble», lance Mathieu. Une escorte avec qui il a récemment fait affaire a d'ailleurs refusé d'être payée, assure-t-il. «Ça m'a beaucoup troublé. Avec elle, c'était vraiment spécial. Je vais la rappeler, c'est sûr».

«Prostituée», un mot tabou

Même s'ils paient entre 160 et 250 $ pour chaque relation d'une heure, les clients d'agences d'escortes ont pour la plupart un gros malaise avec le mot «prostituée».

«C'est comme dire qu'un dentiste est un arracheur de dents, dit Corleone. On résume son métier à une seule chose négative. Pour les escortes, c'est pareil. Oui, elles prostituent leur corps, mais leur travail va beaucoup plus loin que ça.»

Dans le milieu, les clients désignent aussi les prostituées sous le nom de «service provider» ou de «professionnelles». «Ça les met plus en valeur, c'est moins péjoratif et plus respectueux», estime Vince.